en ajoutant que j’emporte de cette réunion inouïe de Montréal
un souvenir inoubliable.
un souvenir inoubliable.
La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici
et je puis vous dire qu’elle en vaudra mieux.
Vive Montréal ! Vive le Québec !
Vive le Québec libre !
++++++++++++++++++++
En quatre mots bien sentis, du haut du balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal, le général de Gaulle avait allumé le Québec. C’était en 1967. Le Québec libre était sur tous les écrans et sur toutes les lèvres. On vit onduler à l’horizon de nos rêves l’oriflamme de la « République du Québec ». ++++++++++++++++++++
L’Arche vivait alors sa lune de miel. C’était la chaleur des relations interpersonnelles qui faisait foi, fonction, référence et structure de notre vie quotidienne et de son organisation. On était même un peu fascinés par un certain clinquant « royal » du monde des adultes. Les fines toilettes des nos duchesses lors de la célébration du premier anniversaire l’ont exprimé éloquemment. Nous étions plus nobles que hippies. Le bal à grand déploiement du mois de juin 1968 nous avait accrédités auprès du grand monde des adultes.
Fallait-il penser que, baignant dans cet univers des grands, nous en avions vite pris les travers, dont celui de croire que tout problème était révélateur d’un vice de structure et que le remède dût nécessairement provenir de la structure ?
Dès le début de septembre 68, malgré les rénovations entreprises à l’Arche, en dépit de sa réouverture en grandes pompes devant le Conseil municipal, malgré les visiteurs, les interviews et les défilés des membres de l’Arche devant les médias que notre renommée nous attirait, nous avons connu un certain mou dans nos activités.
Les habitués (anciens) venaient moins régulièrement à l’Arche, plusieurs membres avaient terminé leur cours secondaire et avaient pris d’autres engagements sociaux et professionnels, et plusieurs nouveaux membres venaient à l’Arche pour les activités qu’on y tenait, mais s’intégraient difficilement aux anciens et vice versa. On vit alors deux arches voguer à deux niveaux. Yolande retiendra cette démarcation :
« Nous, les anciens, on était dans le salon et on avait du « fun » à parler à chanter et à se raconter toutes sortes de choses, alors que les plus jeunes, mal à leur aise en haut, descendaient au sous-sol où ils semblaient s’ennuyer ». Cf. Mes souvenirs de l’Arche des Jeunes par Yolande Racette
Bref, la conscience de notre succès se voilait de nuages qu’il fallait dissiper.
Alors, il est apparu imperceptiblement et unanimement, comme un va de soi, que la solution se trouvait dans la structure. Il fallait la changer une autre fois. La semence du général de Gaulle porta. « Et si on faisait de l’Arche une République !» L’idée fut probablement lancée par Robert Vaillancourt. Elle fit son petit bonhomme de chemin. Chuchotée dans les corridors, elle ne fut pas sans générer un certain malaise auprès des responsables en place. Quelques clans se formèrent. Plus des noms sur une feuille que de véritables coalitions.
À la fin d’octobre, une assemblée plénière avait d’abord aboli le système des cinq responsables et proposé un système républicain qu’on définirait plus tard. On décréta des élections pour le 8 novembre.
Émule de Noé, notre patriarche, Bernard, qui jouissait d’un ascendant indéniable sur tous les membres de l’Arche, fit mine d’un certain désintérêt pour le poste de premier président de la République. Il pensait, m’a-t-il confié plus tard, qu’il y aurait un plébiscite qui le ramènerait à l’avant-scène. Il ne présenta pas sa candidature. Ce qui donnait de l’espoir et de la place à quelques candidats plus effacés.
Hugues Chicoine fut élu. Voici un extrait de son discours présidentiel :
« Je vous propose des expériences, des expériences de vie. Et un vrai nouveau départ. L’Arche va devenir une maison où tout ce qui est beau, bien et profitable sera admis, une maison où tous se reconnaissent. Ça va être un endroit d’où l’on part et où l’on revient. …L’Arche ne doit pas s’arrêter parce que certains changements s’opèrent dans la mentalité. Il arrive du sang neuf et j’ai bien l’intention de ne pas le laisser se perdre…. Je vais faire tout ce qu’il faut pour vous donner les motifs et les moyens. Le mot : « ÉPANOUISSEMENT ».
HC Ier - RAJ pour Hugues Chicoine Ier, République Arche des Jeunes
Tiré du grand livre des minutes de l’Arche des Jeunes
Alors, la République prit pied et façade. Les responsables d’activités devinrent des ministres dûment mandatés. Le mandat n’a pas donné plus de vent aux voiles du bateau, les titres sont rarement sources de créativité. L’Arche resta amarrée au port. On y répéta ce qui avait réussi l’année précédente, mais sans le souffle créateur qui animait les cafés culturels, les spectacles, les sorties, les restructurations.
On tint de nombreuses réunions du Conseil des ministres. Le président en rédigeait lui-même les minutes qu’il inscrivait dans le grand livre. Les « ministres » devaient faire approuver leurs projets et présenter un compte-rendu de leurs activités. On créa de nouveaux ministères dont celui de la photographie avec Gilles Vincelette et celui des sports avec Yvon René.
La structure était sans faille. Les activités étaient préparées avec plus de soins. On laissait moins de place à l’imprévu ou au sort de la bonne franquette. Un décalque d’organisation des grandes sociétés qui s’articule selon une logique rigoureuse, mais qui risque de passer à côté de la vie, de la vraie vie.
Un jeune ne vit pas de réunions non plus que de rapports. La jeune république en rodage s’essouffla vite malgré l’implication presque quotidienne de son président et celle de ses ministres. Fallait-il que l’Arche, comme la France, éprouve quatre ou cinq républiques avant de prendre sa vitesse de croisière ? On n’arrivait pas à gonfler ses voiles ni à lui donner l’allure de sa première année. Plusieurs de ses membres éminents prenaient leurs distances. Ils ne reconnaissaient plus l’Arche qui les avait nourris et qui ne les reconnaissait plus. Cloisonnage de générations… en si peu de temps.
Plusieurs avaient développé d’autres intérêts ou même pris à l’extérieur des engagements d’adulte. C’était l’excuse qu’on se plaisait à imaginer. Quelques-uns même s’étaient mariés ou avaient quitté le nid parental pour vivre à deux leurs rêves d’amour et de liberté.
Les nouveaux membres attirés surtout par les activités qu’on continuait de tenir à l’Arche avaient peu de liens avec le noyau des « anciens ». Ils n’étaient pas enclins à s’impliquer. L’Arche c’était l’affaire des autres, des anciens, pas la leur. Ça grinçait dans les engrenages de la république. À la fin de janvier, Hugues Ier, déçu, donnait sa démission comme président de la RAJ.
On prit plus d’un mois à se réorganiser. Les frères prirent la relève. Ils décidèrent d’abord de fermer l’Arche pendant le mois de février. Le 2 février, ils convoquèrent une assemblée générale qui forma un comité de réorganisation de l’Arche formé de huit membres, quatre jeunes et quatre frères. Robert Vaillancourt, Louis Ladouceur, Yves Raby et Maurice Lussier en faisaient partie.
Le comité se réunit au moins six fois pendant le mois de février.
Le 2 mars, il présenta un plan de réorganisation qui fut adopté à l’unanimité.
L’Arche serait fermée le lundi, journée et soirée réservées aux frères qui l’occupaient. Les mardis, mercredis et jeudis elle serait réservée aux activités. Elle serait ouverte à tous du vendredi soir au dimanche soir.
Le comité organisateur appelé le « noyau » serait formé de membres choisis anciens et nouveaux qui auraient démontré leurs intérêts et leur implication et qui en auraient fait la demande. C’est le noyau qui assurait l’animation à l’Arche via un exécutif de huit à dix membres.
Le premier noyau formé par le comité de réorganisation comprenait 20 membres. Les membres du noyau choisiraient leur chef président de l’Arche et les membres de l’exécutif.
On donna le titre de « membres sénateurs » aux membres fondateurs toujours intéressés par la vie de l’Arche mais qui ne pouvaient plus s’y impliquer comme auparavant. Ces membres pouvaient venir à l’Arche tous les jours de la semaine, le lundi excepté. Ils avaient un rôle consultatif auprès du noyau et des assemblées générales. Ils recevaient les informations émises par le secrétariat mais n’avaient pas le droit de vote.
Cette réorganisation donna effectivement un second souffle à l’Arche. On y tint plusieurs activités nouvelles, bien préparées et bien encadrées. On vivait aussi sous la renommée acquise pendant la première année, ce qui occasionna plusieurs sorties de rencontre avec d’autres jeunes qui ouvraient de semblables centres.(1) C’est ainsi qu’on se rendit en grand nombre au Cajet de Granby qui nous accueillit avec beaucoup de chaleur.
Surtout, cette nouvelle structure favorisa le renouvellement des activités et des jeunes qui en prenaient la charge. C’était reparti, on allait connaître une bonne vitesse de croisière. Les frères fignolaient leur mode de présence et d’implication auprès des jeunes.
On était toujours émerveillés par la vitalité de ces jeunes, par leur enthousiasme et leur dynamisme. Ils mordaient dans la vie à pleines dents. C’était réconfortant de les voir.
L’Arche avait sa place sur la mer de la jeunesse. Elle pouvait durer.
Cependant, au sein de cette jeunesse fragile et vulnérable un virus dévastateur allait s’infiltrer à l’Arche comme dans tout le Québec de ce temps, paralysant le plus belles initiatives, sabrant les plus vertes espérances tuant dans l'oeuf les projets les plus prometteurs.
à suivre...
No 40- Le cancer du siècle
à suivre...
No 40- Le cancer du siècle
+++++++++++++++++++++++++++++
Références
Les chansons à l'Arche -
On chantait beaucoup à l'Arche. Les chansonniers québécois et français tenaient haute cote à son palmarès: Félix, Gilles Vigneault, Léveillé, Brel, Ferland.Charlebois Que de fois on a répété à plein poumon "Quand les hommes vivront d'amour... nous serons morts mon frère". Frédéric et son cheval blanc nous emportaient dans des chevauchées de rêves.
Deux chansons inédites composées à l'Arche revenaient toujours au menu:: "Oui à l'Arche Oui ça marche " une composition de groupe un soir de follie qui devint notre hymne national et "La vie est un chronomètre" composée le temps d'une inspiration par notre porte étendard, Bernard.
+++++++++++++++++
Curriculum de vie de Jean-Guy
Cette troisième publication de Jean-Guy porte ses premières années d'enseignement à East Broughton, Beauce, de 1959 à 1962.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire