samedi 30 juillet 2011

41- L’Arche d’une nouvelle fraternité


La Fraternité consiste à trouver du plaisir au bonheur

de tout ce qui a vécu, vit ou vivra.

Un altruisme universel qui s'adresse à l'autre et à tous les autres..

Le nomade ne se met pas en marche

s'il n'a pas une Terre promise à laquelle rêver.

Extrait de Fraternités - Une nouvelle utopie Jacques Attali


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Juin 1970- les jeux étaient faits. Du moins la plupart d’entre eux. Les pionniers membres de la première fournée ne venaient plus que rarement à l’Arche. Deux ou trois équipes de plus jeunes s’étaient succédé aux commandes de l’Arche. Plusieurs y revenaient à l’occasion comme dans un refuge. Certains de ces jeunes étaient de tristes et d’innocentes victimes du mal de la sixième décennie de ce siècle: la drogue échappatoire des enfermements accumulés depuis plus d’un siècle. C’était le dernier recours des faibles, une fausse arche de salut pour qui acculé au pied du mur de fer dressé par les deux guerres mondiales ne trouvait d’autre issue que la fuite dans le paradis de l’évaporation de son âme. Perverse et sournoise cette drogue ensorcelait. Elle faussait l’équilibre, l’orientation et la dynamique d’une vie pleine de promesses. L’échec de l’Arche des Jeunes avait été de n’avoir pas réussi à créer un esquif capable de voguer sur cette mer en furie. Par manque de compétence, nous ne savions que faire avec ou pour ces accros. Nous avions tout tenté. Des coups d’épée dans l’eau.

À la fin de juin 1970, j’étais d’ailleurs le seul survivant de la débâcle qui avait emporté tous les autres frères de l’Arche et qui avait ravagé les effectifs d’un grand nombre de communautés religieuses. À la fin des classes, Pierre avait quitté l’Arche et la communauté pour épouser Mireille, un membre de la première époque. Rémi, en liens avec Danielle, avait fait de même en janvier 1970. Gilles, qui avait pris de nouveaux engagements dans le diocèse de Joliette, m’avait annoncé qu’il quittait la communauté et Réal m’avait invité à ses noces avec Jeannine qu’il avait connue à l’Arche.

Je restais seul à défendre le fort. Le chapitre provincial permanent réuni en mars 1970 avait confié au supérieur provincial le soin de disposer de la propriété de la rue l’Archevêque par la vente ou par une nouvelle affectation entre la fin d’avril et la fin de juin 1971.

La sécularisation avait aussi fait de profondes trouées dans le groupe des frères les plus engagés dans le renouvellement communautaire : Les quatre jeunes frères (profès temporaires) qui formaient la communauté de Saint-François-Solano avaient quitté la communauté un peu avant Pâques, au moment de leur retraite annuelle.

Le collège Roussin ayant été vendu à la Commission scolaire régionale Le Royer et les frères qui y résidaient durent à la fin de l’année se trouver une nouvelle affectation. Cette communauté comptait plusieurs des plus ardents défenseurs d’une nouvelle forme de vie religieuse, mieux adaptée aux temps modernes et plus conforme à l’esprit de Vatican II. Un grand nombre d’entre eux quittèrent alors la communauté. Il ne restait que le frère Mayer, que la commission scolaire avait engagé à titre de directeur du Collège et le frère B. A. qui, de retour du chapitre général à Rome, avait dû pour finir l’année prendre résidence au Collège Roussin et un engagement comme orienteur à la commission scolaire de St-Hyacinthe.

Les frères Mayer (1) et B. A. devaient donc se trouver une autre résidence. Étant donné l’état d’esprit qui régnait dans la plupart des maisons de la province, il leur convenait mieux de résider à l’Arche plutôt que dans toute autre communauté.


L’Arche d’une nouvelle fraternité

Un jour vacillant et blafard parvient toujours à percer les plus profondes ténèbres. Deux frères compagnons de lutte, avaient aussi été durement frappés le même tsunami et connaissaient d’aussi profondes ténèbres.

Le frère Mayer d’abord, que, par crainte de sa force de renouvellement, on avait écarté comme une vieille savate des plus hautes fonctions communautaires.

Frère B.A. qui, en tant que maître des scolastiques façonné ou forgé l’âme des jeunes religieux en les préparant à œuvrer dans la pâte humaine plus que dans la chapelle des saints contemplatifs de Dieu et de ses attributs. On lui doit le camp Boute-en-train, excellente forge d’apprentissage des nouveaux religieux. De plus, il avait œuvré avec intelligence et en communion avec de nombreux frères au renouvellement de la communauté. À deux reprises, le chapitre provincial avait reconnu sa clairvoyance et l’avait délégué au chapitre général spécial chargé de réviser en profondeur les Règles et Constitutions de la communauté en vue de les rendre plus conformes à la mission pastorale définie par le concile Vatican II.

À son retour de Rome, il fut aussi mis au rancart et, la tristesse dans l’âme, il dut constater que toute son œuvre s’écroulait. Et les jeunes religieux presqu’à la queue-leu leu quittaient la communauté qui ne parvenait plus à nourrir leurs rêves ni à catalyser leurs énergies vives.

On se retrouvait donc, trois éclopés des temps nouveaux, larrons dans une nouvelle foire, en mal de survie. Notre trinité enfanta à la hâte un projet de « Fraternité nouvelle ». Frère Mayer avait déjà repéré quelques jeunes sujets à cette fin. Quatre ou cinq jeunes vivant dans son rayonnement s’étaient dits intéressés à tenter une expérience de vie de frère. Il cherchait un lieu qui fût leur nid. Je le fournirais, l’Arche était vide. Frère B.A. en serait l’inspiration et l’âme.

Notre projet reposait sur de solides assises. La fraternité était dans l’air de cette ère de «Peace and love». L’Évangile, notre nouvel oriflamme, l’enveloppait totalement et le concile qui faisait émerger l’Église d’une atmosphère de soumission nous incitait à la communion.

Des motifs moins avouables s’infiltraient aussi sournoisement dans le projet. «So what!». La pureté absolue, sauf celle de Dieu, aseptisée de tout virus, n’a jamais rien enfanté. Une certaine « vengeance » contre les brimades essuyées dans cette tourmente ne déplaisait à aucun d’entre nous. Recycler l’Arche en fraternité, la sublimer au lieu de l’enterrer, me permettait aussi de garder la tête haute devant les membres restants de ma communauté.

Ce projet n’avait pas eu l’heur de plaire aux supérieurs de la province. Vu qu’il s’agissait d’un projet spécial, hors normes, et que nos relations avec les autorités locales n’étaient pas favorables à son expansion, nous avions demandé à être rattachés directement au Conseil général. Le 7 août, le Conseil général, qui se disait sympathique à notre projet, nous répondit qu’il ne pouvait au nom du principe de la subsidiarité que le Chapitre général venait de voter, nous prendre à sa charge sans l’assentiment du Conseil provincial.

Nous avions notre projet à cœur. La lettre que nous avons adressée le 11 août 1970 au Frère Ratté, supérieur général, en témoigne. Cf. Lettre 11 août,1970).

Nous ne pouvions accepter que le renouveau qui avait connu une si fulgurante lancée se termine par une clé dans la porte. Alors que tout s’effilochait, on avait du mal à accepter sans réagir que des bourgeons de vie nouvelle soient écrasés par une structure trop lourde, incapable de contourner ses propres règles de fonctionnement.

«Par contre, écrivions nous, si nous revenons à notre demande, à sa véritable dimension, il nous semble qu’elle offre son parallèle évangélique éclairant. IL ne s’agit pas en effet de tout remettre en question, de réformer de nouveau l’Institut, d’entraîner tout le monde dans notre sillon, d’armer tous les canons du Vatican, de donner le pain des enfants aux chiens, mais bien de permettre à des petits chiens, sous la table, de manger des miettes qui tombent de la table des enfants. » Cf. Lettre 11 août,1970).

On ne pouvait offrir à ces jeunes tentés par la vie religieuse d’entrer dans une maison vétuste ni les inviter à passer leur vie à en colmater des brèches. Il leur fallait du neuf, un horizon ouvert à tous les possibles. Nous étions conscients de la fragilité de ce projet et nous ne pouvions en garantir la survie.

Avant d’accéder à notre demande, le supérieur avait invoqué toutes les démarches juridiques à entreprendre pour rendre notre situation conforme aux normes du Droit canon. Voici notre réplique :

« Nous sommes bien conscients que ce changement temporaire de statut entraînerait des formalités juridiques comme celles d’en informer le curé ou les curés des paroisses concernées ou du moins l’évêque du lieu, etc. Pour nous, ce sont là des formalités ou des exigences postérieures à une décision de former une telle fraternité. Elles sont d’ailleurs très faciles à remplir. Elles ne doivent pas, à notre avis, entrer dans le débat. Ce serait retourner au juridisme si néfaste à bien des égards à la vie religieuse. » Cf. Lettre 11 août,1970)

Le Conseil général et le Frère Maurice Ratté, sup. gén., répondirent rapidement à notre lettre. Ils se disaient non seulement favorables à notre projet mais nous affirmaient également qu’ils avaient écrit à l’administration provinciale pour les informer de leur disponibilité avec leur accord, à nous prendre à leur charge.

« Si elles (les autorités provinciales) veulent patronner elles-mêmes le projet, nous l’appuierons et vous appuierons de tout cœur assurant au besoin un apport supplémentaire de dynamisme. Si elles désiraient s’en remettre totalement à nous, selon que le propose votre ébauche du projet, c’est bien volontiers que nous mettrions tout en œuvre pour en assurer le succès avec l’aide de Dieu. Cf. Lettre du Frère Maurice Ratté du 17 août 1971.

Nous attendions des nouvelles de notre Conseil provincial. Rien ne vint avant le 16 décembre. Entre-temps, les événements se bousculaient à l’Arche.

Le Père G. G. des Saints-Apôtres était venu résider avec moi. Il était professeur à l’UQUAM. Il assurait une présence à l’Arche, présidait les célébrations eucharistiques que nous tenions toujours le dimanche avec quelques fidèles et le lundi avec le noyau de la nouvelle communauté que nous songions former.

Notre projet de fraternité nouvelle se concrétisait.

Vers le début de novembre, pendant la nuit, en panique, m’arrive François Gélineau (2) un ancien de l’Arche qui avait servi comme factotum dans une maison de thérapie à St-Didace. Dans cette maison, un apprenti « thérapeute » que nous connaissions bien pratiquait la revitalisation de la santé par le jeûne. Sous sa direction, un patient de cette maison y était décédé après 53 jours de jeûne. Le propriétaire de la maison fut incarcéré, François avait pris la fuite et était venu se réfugier à l’Arche. Comme il avait déjà été tenté par la vie religieuse, il se joignit à notre communauté.

Puis, vinrent s’ajouter successivement G. De M., un ancien du Collège Roussin qui avait commencé son CEGEP au Collège Marie-Victorin, et aussi D. D. qui fréquentait le cégep Maisonneuve, ainsi que J. G. qui demeurait à Rivière-des-Prairies.

Quelques semaines plus tard, les frères B.A. et Raymond Mayer décidèrent également de venir installer leurs pénates à l’Arche.

Je m’invitai au début de décembre à présenter le projet de fraternité au Conseil provincial. On me donna un petit quinze minutes pour défendre ma cause qui semblait déjà toute entendue. On m’écouta avec le silence froid de qui remplit un formulaire qui ne peut en rien influencer une décision déjà prise. On ne me posa aucune question. Jamais dans ma vie je n’ai fait face à une confrontation aussi cinglante. En quittant le Conseil, pensant naïvement que des considérations spirituelles pouvaient ébranler ces « hommes de Dieu » je leur lus cet extrait des Actes des apôtres qui rapporte l’intervention de Gamaliel devant le Sanhédrin qui s’apprêtait à condamner à mort les apôtres :

« À présent donc, je vous le dis, ne vous occupez pas de ces gens-là, laissez-les. Car si leur entreprise ou leur œuvre vient des hommes elle se détruira d’elle-même; mais si vraiment elle vient de Dieu, vous n’arriverez pas à les détruire ». Actes 5, 38

Inutile de vous dire que cette citation, qui me soulageait un peu les frustrations, n’eut aucun effet sur les membres du Conseil.

Le 16 décembre, nous recevions un extrait des minutes de ce Conseil provincial tenue le 13 décembre au sujet de l’Arche des jeunes,

1- On autorisait les frères B.A.et Mayer à demeurer avec moi à l’Arche;

2- Notre communauté aurait à présenter par écrit son projet de vie au Conseil dans les plus brefs délais;

3) La province se dégageait de toute responsabilité à l’égard des jeunes qui demeuraient avec nous à l’Arche ou qui y viendraient dans l’avenir;

4) Le Conseil ferait le point sur l’œuvre de la rue l’Archevêque avant la fin de l’année scolaire.

Nous avons sauté à pieds joints sur ces miettes d’espoir comme un chien sur son os qu’il ne lâchera pas de sitôt. Dès le 29 décembre, notre communauté tenait ses assises de fondation au lac Corbeau près de St-Gabriel-de-Brandon. Nous avons immédiatement communiqué au supérieur provincial comme il l’avait demandé, les grandes lignes de notre projet de fraternité formée de trois frères et de quatre jeunes.

Tout semblait rouler dans l’huile. Un très bon esprit de fraternité régnait entre ces jeunes et nous. Tous étaient fidèles à la soirée de partage que nous tenions tous les lundis soirs. D’autres jeunes de l’Arche, environ une quinzaine, gars et filles participaient tous les deux lundis à ce partage évangélique.
Les salariés de l’Arche, les trois frères, plus François Gélineau qui travaillait au Cégep du Vieux Montréal, versent une contribution qui totalise 700 $ par mois. Les jeunes étudiants assument leurs dépenses personnelles. (Cf. rapport de la réunion du lac Corbeau).

En lieu et place d’une réponse à cet envoi au Conseil provincial, nous recevons le 25 janvier, de la part du Frère Sarrazin, supérieur provincial, une mise en demeure adressée au frère Raymond Mayer lui demandant de quitter l’Arche sans délai. La raison : il venait de recevoir son indult d’exclaustration (3) et ne pouvait de ce fait demeurer dans une maison religieuse. L’Arche était considérée comme une maison religieuse. Plus formaliste que cela on meurt !

C’est pour nous un coup dur qui risque de saborder à tout jamais notre petite communauté naissante. Il s’en suivit un chassé-croisé de correspondance entre le supérieur provincial et nous de l’Arche d’une nouvelle fraternité. Nous demandons au supérieur d’obtempérer à sa décision et je lui écris une lettre personnelle qui essaie de trouver en dehors de tout juridisme une solution à notre situation. Cf. Correspondance de l’Arche au conseil provincial.

Deux jours plus tard, nous recevons du supérieur provincial la confirmation de sa décision. Frère Mayer doit quitter l’Arche.

Le projet nous tient à cœur, et nous croyons toujours importante la présence de Raymond Mayer dans notre groupe. Pour montrer sa bonne volonté, le frère Mayer quitte l’Arche dans les jours qui suivent. Le 7 février, nous demandons par lettre d’être entendus par le Conseil provincial afin de trouver une solution qui soit viable pour notre projet et acceptable pour le Conseil provincial..

Nous suggérons trois terrains d’entente.:

1- (Solution déjà envisagée par R.C., membre du Conseil, mais non retenue par le Conseil) : Le frère Mayer, exclaustré, loue la maison du 12036 rue l’Archevêque. Frère B.A. et moi-même sommes autorisés à y demeurer pour y continuer notre projet de fraternité.

2- Frère B.A. et moi-même demandons une exclaustration pour deux ans, la communauté nous loue la maison de l’Arche et nous y poursuivons notre projet de fraternité.

3- Les trois frères demandent un indult de sécularisation. La communauté nous loue ou nous vend la maison et nous continuons notre projet en dehors de la communauté, à la grâce de Dieu…

Deux jours plus tard, nous recevons la réponse du Conseil : elle tient en trois paragraphes :

a) un rappel : Les frères B.A. et Jutras sont toujours autorisés à demeurer à l’Arche jusqu’à la fin de juin et à y poursuivre leur expérience de fraternité.

b) La demande d’exclaustration et de sécularisation est une demande personnelle qui doit être faite par les sujets concernés. Le Conseil n’a pas à statuer à ce propos.
c) dans le cas d’exclaustration ou de sécularisation des frères résidants à l’Arche, la communauté disposera de cet édifice à sa guise avant la fin de juin,

C’est un blocage total. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, à la fin de février le frère B.A. est hospitalisé. Sa convalescence devra durer au moins deux mois. Je fais une dernière tentative auprès du frère provincial lui demandant de permettre au frère Mayer de revenir à l’Arche. C’est une fin de non recevoir radicale. Je dois me débrouiller seul. Le 8 mars, j’envoie au frère provincial une lettre laconique qui énumère les conditions concrètes de notre vie à l’Arche. Toute tentative de dialogue est bloquée.
Je suis désemparé. Je demande conseil au supérieur général qui a suivi le déroulement de cette affaire avec une remarquable attention. Cf. lettre du 4 mars.

Dans sa réponse datée du 24 mars, il constate avec moi qu’il n’est plus possible de poursuivre le projet de fraternité à l’intérieur de la communauté.

Je dois me brancher : soit renoncer au projet et rentrer dans les rangs de la communauté, soit quitter la communauté pour poursuivre en dehors d’elle mon projet de fraternité.

Je suis sidéré. Les jeunes sont toujours désireux de poursuivre le projet de vie religieuse avec moi. Nous continuons tant bien que mal. Au début de mai, François Gélineau nous quitte sans tambours ni trompettes. Il me reste deux mois pour décider du reste de ma vie. Choix cornélien entre deux maux : celui de la séparation de ma communauté qui a nourri ma joie et mes aspirations les plus profondes pendant vingt-huit ans ou celui de l’abandon d’un embryon de vie nouvelle qui a connu de biens difficiles débuts. Les deux comportent un renoncement important. Et je me débats contre une rancœur qui assaille tous les jours mes pensées et ma paix. Tout aurait pu être si simple. Les voies de Dieu, si tant est qu’il s’agit ici de ses voies, sont insondables.

La fraternité nouvelle à l’Arche aura duré à peine quatre mois.

D’avril à juin, je me débattrai comme un diable dans l’eau bénite. Il n’y a plus d’alternative possible. Il faut décider. Rester ou partir.

Ce sera le sujet de la prochaine et dernière publication du volume II. No 42- Au carrefour des destinées

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1) Le Frère Raymond Mayer, qui fut conseiller provincial pendant les neuf ans de provincialat du Frère Gérald, était directeur du Collège Roussin. Pour favoriser le projet de fraternité, il avait demandé en 1970 un indult d’exclaustration. Devant la tournure des événements, il se résigna en 1971 à demander comme beaucoup d’autres un indult de sécularisation. Il se maria dans les années qui suivirent et décéda d’une crise cardiaque en août 2003.

2) François Gélineau, un ancien de l’Arche, travaillait depuis quelques mois à cette maison de thérapie par le jeûne sous la responsabilité de G.P. lorsque les événements tragiques que nous rapportons ici se sont produits. Il demeura à l’Arche de novembre 70 à mai 71. Il est décédé suite à un cancer doublé du sida, dans les années 1983-84.

3) Exclaustration : Un profès perpétuel pouvait demander pour différentes raisons de vivre en dehors de la communauté pour une période d’un an ou deux. Après cette période, il devait décider s’il revenait en communauté ou s’il se sécularisait définitivement. Devant les difficultés que nous connaissions dans l’implantation de notre fraternité, frère Mayer crut aider la cause en demandant un indult d’exclaustration. Un religieux ayant fait sa profession perpétuelle pouvait aussi être démis de ses vœux en demandant au Saint-Siège un indult de sécularisation.

Références:

(1) Le 15 mai dernier "neuf fondateurs" qu'on a appelé les PATRIARCHES se rencontraient pour faire le point sur cette aventure d'il y a plus de quarante ans bien sonnés. Un clic vous donne accès au bilan qu'ils en ont tiré, intitulé "Le 360 des PATRIARCHES"

(2) Cf.  Le témoignage de Léonard Lacasse sur l'Arche

(3) Cf, Le témoignage de Gilles et de Ginette sur l'Arche

(4) Cf. Le témoignage de Huguette Cossette et de sa mère

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Jean-Guy Legault nous amène aujourd’hui dans la région des Bois-Francs et nous décrit la vie et les tâches qu’il a remplies à Victoriaville et à Notre-Dame de Foi de 1966 à 1970.


Cette semaine Jean-Guy nous dévoile aussi les nombreuses études qu’il a faites après son cours secondaire tout en étant la plupart du temps professeur à plein temps. Il est un exemple très évocateur du « curriculum studiorum » que les frères du Sacré-Cœur et probablement aussi tous les Frères éducateurs étaient invités à développer dans toutes les directions à compter des années 1955.

Cf. Mes-études-post-secondaires. à Victoriaville, Montréal, Sherbrooke, Ottawa, Québec et Bloomington, Indiana.



samedi 23 juillet 2011

42- Au carrefour des destinées




On rencontre sa destinée
souvent par les chemins
qu'on prend pour l'éviter.
Jean de La Fontaine

La destinée ne vient pas du dehors à l'homme,
elle sort de l'homme même.
[Rainer Maria Rilke]

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Ce jeudi, le 17 juin 1971, à la veille de la Fête du Sacré-Cœur, je suis seul à l’Arche devant ma machine à écrire. Tout est calme et tranquille. Denis et Gaétan(1) viennent de terminer leur session au Cégep et sont partis dans leur famille pour le week-end avant d’entreprendre leur job de vacances. Au Scolasticat central tout est aussi bel et bien fini pour moi. Les examens corrigés, les notes remises, la routine de fin d’année complétée.

Quelques poignées de mains, et ciao, se reverra à la fin d’août.

Je suis seul. Un lourd silence m’enveloppe de partout.

Seule ma mémoire tambourine le rythme des festivités au programme de cette importante fête dans tout l’Institut des Frères du Sacré-Cœur. En ce jour, dans les maisonnées de la communauté, la routine cassée fait place à la fête. Je revois les célébrations grandioses qui chaque année marquaient et décoraient d’allures festives le Mont Sacré-Cœur à Granby ou la maison provinciale à Rosemère, et toutes les maisons de formation des Frères du Sacré-Coeur: Le défi du somptueux reposoir qui se devait d’être encore plus splendide que celui de l’année précédente, la procession aux flambeaux et ses chants qui perçaient le soir de vibrantes intonations, le merveilleux chant « Animés de l’amour » qui ré-sonnait de tous ses éclats resserrant entre nous les liens d’une chaleureuse et réconfortante fraternité, les succulents banquets, les toilettes du dimanche, les compétitions sportives entre les jeunes et les aînés et quoi encore…

On fait bombance, on se visite et on se souhaite toutes sortes de bonnes choses.

Mais aujourd’hui, moi j’ai l’âme à la tristesse. Je suis seul devant ma machine à écrire et j’écris :

"Révérend Frère,

Après entente avec le Frère Provincial, je recours directement à vous pour vous demander de présenter au Saint-Siège ma demande d’indult de sécularisation." Cf. Lettre du 17 juin 1971.


J’ai les yeux au sec, mais je n’ai pas du tout le cœur à la fête. Comment en suis-je venu là ?

Le 5 avril 71, j’avais reçu  du conseil provincial la réponse finale, laconique, tranchante comme une lame de rasoir, un non catégorique à mes projets de fraternité nouvelle à l’intérieur de la communauté.  

« le conseil provincial a pris définitivement une option de vente du 12,036 l’Archevêque. Le frère Donat Lefrancois (ancien provincial) a été chargé de faire les démarches nécessaires dans ce sens. Cf. Lettre du conseil provincial – 5 avril 1971.

Il n’y a plus de recours possibles. Le projet de fraternité, déjà amoché par le retrait du frère Mayer, la maladie du frère B. A. et le départ surprise de François Gélineau ne peut plus se développer à l’Arche ni à l’intérieur de la communauté. Un cul-de-sac.

Le supérieur général, frère Maurice Ratté le reconnaissait déjà dans sa lettre du 24 mars :

« Dans la tournure actuelle des événements, il ne semble pas réaliste de croire à la continuité de votre œuvre à l’Arche.» (Cf Lettre M. Ratté 24 mars 1971)

Les choix qu’il me reste sont multiples. Le supérieur général les énonce rapidement :
- reprendre en communauté le régime de vie régulier,
- poursuivre mes visées de renouvellement de la vie religieuse, à l’intérieur d’une autre communauté, soit comme prêtre séculier ou comme laïc,
- ou bien encore dans une tâche de ralliement des anciens religieux qui souhaiteraient reprendre leur vocation sur un autre terrain…

D’avril à juin, je fus en proie à un profond tiraillement. Comme rat en cage, je me cognais à tous les murs. J’appelai à Granby afin de vérifier si on ne m’accueillerait pas dans cette province sœur de ma communauté que je connaissais bien. Je soumis aussi cette option à un collègue, frère des Écoles chrétiennes qui enseignait avec moi au CMV, etc… aucune porte n’était fermée mais quant il s’agissait de traduire la question en projet, c’est moi qui fermais les portes.

Je ne voulais pas m’engager dans le sacerdoce. C’est au cœur de la pâte humaine que mon chemin de Damas m’avait orienté. Si je devais poursuivre ma vocation en dehors de la communauté, c’est comme laïc que je voulais le faire.

Demeurer dans ma communauté et dans ma province était aussi envisageable. J’aurais pu chercher refuge dans l’une de nos missions, en Côte d’Ivoire en Haïti ou ailleurs. Il est probable que cela aurait fonctionné, pour un certain temps du moins.

Ce qu’on me proposait, sans me le dire, c’était de joindre la résidence des Frères du Sacré-Cœur établie sur le campus du Scolasticat central. On voulait que je plie l’échine, que je me soumette, que je rentre dans les rangs. J’étais entre guillemets « persona non grata » au sein de ma communauté. Du moins je me plaisais à le penser.

À l’occasion de mes rencontres avec le conseil provincial on m’avait déjà dit que ma vie religieuse des quatre dernières années était un scandale pour les autres frères. Au fond de moi, je ne voulais pas rentrer dans les rangs. Pour moi, c’était comme l’aveu d’un échec. Vivre de l’amour de Jésus au sein de la pâte humaine, un échec ? Tout mon être se révoltait à cette pensée. J’étais toujours intimement convaincu que la vie religieuse traditionnelle bardée de cadres et de protection, loin des vrais problèmes et de la vraie condition humaine ne répondait plus ni aux attentes du Québec moderne ni aux visées d’évangélisation définies par Vatican II. Il fallait plus que dorer les barreaux de la cage, il fallait des changements en profondeur tant dans la forme que dans l’esprit qui animait cette vie religieuse.

Ces nobles propos pour conférences, je me les servais à moi-même. Cependant, je les savais inspirés par un autre côté moins reluisant de cette médaille. La tournure qu’avait pris l’Arche, les trop minces filets de vie spirituelle que j’avais réussi à y insérer, le départ de tous les confrères qui m’avaient fait confiance et qui ne croyaient plus à la cause avaient empilé les déceptions.

À l’intérieur de moi-même je signais un constat d’échec. Les incompréhensions répétées de mes supérieurs immédiats et de plusieurs de mes confrères m’avaient meurtri profondément. Mes réactions primaires, celles d’un animal blessé. Je souffrais d’un abcès, d’une infection qui contaminait tous mes débats intérieurs. Elle inspirait sournoisement le pour ou le contre de chacune des options qui s'offraient à moi. 

Rester, ce serait prouver à la face de tous qu’ils avaient eu tort de s’opposer et de ne pas me faire confiance, de me mésestimer. Leur prouver dans les faits que je pouvais surmonter un échec avec humilité et simplicité.

Et quitter la communauté, c’était claquer la porte, dire ma hargne, afficher mon dédain pour une communauté qui n’avait pas su me comprendre ni m’épauler, qui ne voulait pas s’adapter.

Pourtant ce n’était pas vrai. Au fond de moi et toujours j’ai aimé ma communauté. J’ai admiré mes frères jeunes ou vieux qui luttaient comme moi au sein d’une même tourmente avec les moyens qui étaient les leurs et selon leur visée, leur vérité. Je ne voulais pas les entraîner dans mes voies, je les respectais et je suis aujourd’hui certain qu’ils me respectaient aussi.

Et le scandale qu’on m’avait reproché d’avoir été pour eux, c’était une chimère, une parole lancée dans le feu de l’altercation qui dépassait sûrement et la pensée et l’intention de leurs auteurs. Elle n’avait pas l’importance que je lui accordais. Je m’en servais comme d’un bouclier pour me protéger. On se sent plus valeureux quant noircit son rival, qu’on empoisonne la flèche qu’il nous lance.

Il me fallut un certain temps pour reconnaître ces démons qui m’habitaient et qui risquaient de compromettre ma paix, mes choix et mon avenir.

Un jour, armé de mon gros bon sens d’habitant je m’exorcisai de ces démons. Je les enfermai bien étiquetés au rancart de mes états d’âme. Sous la lunette de gros bon sens la situation était somme toute fort simple.

Animé d’une foi qui avait sûrement ses boursouflures mais qui était solide et vraie, qui s’était bien ancrée lors de mes trois ans à Rome, j’avais épousé une cause, celle d’une mise à jour de mes engagements, tant dans la société québécoise que dans ma vie religieuse. Pour cette cause j’avais pris des risques pas toujours judicieusement calculés, j’avais obtenu des résultats positifs, mais pas toujours ceux qu’on attendait. J’étais à un carrefour, non dans un cul-de-sac. Revenir à une vie plus encadrée et davantage entourée de balises ou continuer dans le même sens mais sur une autre voie, tels étaient les choix véritables qui s’offraient à moi.

Et quel serait le meilleur critère de choix ? Pas la cause à défendre, pas la ba-taille à gagner, pas la voie la plus susceptible de pouvoir opérer le renouvelle-ment du monde. Non je n’avais pas à me dresser en Don Quichotte. La cause était déjà gagnée. L’amour l’avait emporté sur la haine en ce vendredi, sur le Golgotha. La vie l’avait emporté sur la mort une fois pour toutes et pour tous les humains par la résurrection de Jésus. Quoiqu’il arrive, nous en sommes tous et à jamais les heureux bénéficiaires. Il suffit de laisser rayonner cette victoire dans le débordement de son amour, dans la sérénité de sa paix et dans la plénitude de sa liberté. Ça c’était ma foi profonde, celle découverte spécialement dans mes trente jours avec saint Ignace à Rome.

Cette base bien établie demeurait vivante et verte quels que soient les détours de mon parcours. J’étais à une croisée des routes et non devant un mur in-contournable. J’aurais pu choisir ma voie à pile ou face, assuré que dans une voie (rester) ou dans l’autre quitter, je serais le même marcheur, claudicant comme je l’ai toujours été, mais aussi témoin de la lumière et porteur d’espérance dans un environnement qui pouvait varier à l’infini. Une même direction sur un autre sentier, une même étoile qui guide les pas de tout de homme de bonne volonté.

Mais je ne voulus pas jouer au dé avec ma vie. Je m’appliquai surtout à examiner lequel de ces deux paysages était pour moi source d’une plus grande paix, meilleur catalyseur de mes énergies.

En l’espace d’une journée, ce chapeau de paix imposa le silence à toutes mes autres considérations. La vérité se leva en moi comme un soleil qui révèle progressivement la densité des êtres et des mondes cachés par l’obscurité. Une vérité éblouissante comme le soleil et bien ancrée dans la continuité de mon moi profond.

Ma vérité s’appuyait sur trois socles :

Le premier, bien terre à terre, me montrait qu’une décision de quitter la communauté serait irréversible. Y rester m’exposait à de profondes remises en question à chaque tournant de la route. Au fond de moi, j’avais de la répugnance à reprendre incessamment les mêmes questionnements, à me servir les mêmes arguments d’un côté comme de l’autre.

La deuxième certitude concernait le projet de fraternité pour lequel je m’étais bat-tu à y laisser des plumes. La preuve était faite, ce projet n’était pas viable à l’intérieur de la communauté. Cela était clair. Le levain de l’Évangile peut faire lever toute pâte humaine, mais la semence jetée sur le roc se dessèche et meurt. Ce projet me tenait à cœur. Il suffisait de trouver la bonne terre pour qu’il puisse germer et croître.

Denis et Gaétan étaient désireux de cheminer dans cette voie. Ils me l’avaient dit. Pour eux, le lien juridique avec la grande communauté comptait peu. Alors pourquoi pas ? Je ne dis pas que j’ai décidé de quitter cette seconde famille qui m’était chère pour en fonder une autre plus conforme à mes schèmes du temps. Ce serait à la fois faux et prétentieux. Je connaissais assez la précarité de ce projet et mes propres limites pour ne pas nourrir de trop grands espoirs. Cependant, une certaine continuité avec mes options de jeunesse et mes audaces des dernières années enlevait l’irritant principal à mon choix : l’étiquette de la rupture. Un baume sur la plaie de la séparation. Et en sourdine, une justification à mon départ.

Secrètement j’enviais les frères qui quittaient la communauté parce qu’ils avaient rencontré une femme ou la femme de leurs rêves. Ils partaient vers de nouveaux horizons. Mais quitter parce qu’un univers se refermait sur soi était troublant. Comme la fermeture du paradis terrestre. La poursuite du projet me permettait d’échapper à la honte des exclus, celle de nos premiers parents.

Et, troisième constat, très ponctuel aussi, je réalisais que ma véritable communauté de référence quotidienne, d’aise, de partage de valeurs et de collaboration aux tâches de l’existence se retrouvait la plupart du temps en dehors des murs de ma communauté religieuse.

Pendant la majeure partie de ma vie religieuse, mes frères de communauté formaient presque l’unique réseau de mes références. Ils étaient les témoins de mes joies, le soutien de mes ambitions, les collaborateurs fidèles de mes engagements et même les partenaires de mes jeux et les fous de mes fêtes.

Pendant les dernières années, plusieurs noyaux de référence avaient pris place dans ma vie: les Compagnons de la vie, les jeunes de l’Arche, les confrères au Collège Marie-Victorin, l’équipe de catéchètes au diocèse de St-Jérôme. Même de nouveaux liens s’étaient formés avec ma famille d’origine que je visitais plus souvent. Et surtout, nos luttes pour le renouvellement de la communauté et de ses engagements avaient tissé entre nous des liens intenses de la plus cordiale fraternité. La plupart de ces frères avaient quitté la communauté avant moi. J’étais plus à l’aise avec eux qu’avec la plupart de ceux qui étaient demeurés en communauté.

Pour le dire plus simplement, ma véritable communauté de vie et de partage se trouvait davantage en dehors des murs qu’à l’intérieur de la communauté. Et dans le même sens, ma vie de foi vibrait plus à l’élan de la résurrection du matin de Pâques qu’au sacrifice du Vendredi saint.

Il m’était devenu clair que pour la paix de ma paix, j’étais mieux de quitter ma communauté et de faire confiance à la voie toute nouvelle qui s’ouvrait devant moi.

Ces trois regards sur les principaux éléments de ma vie instaurèrent en moi une ère de paix. Et les mots discordants d’injustice et d’incompréhension, de même que mes jugements négatifs à l’endroit des supérieurs qui me forçaient à me brancher devinrent soudainement aphones.  
.
C’est avec une étonnante sérénité que devant mon clavier je donnai forme à ma décision.

Seul le bruit des frappes rompt le silence de ma paix. J’aligne des mots, je rédige lentement mes phrases, les paragraphes s’enchaînent comme naturellement, sans à coups. Je termine ainsi :

Soyez assuré que c’est avec beaucoup de joies et de consolations que je pense à mes 28 ans de vie religieuse. C’est sans amertume mais non sans tristesse que je demande de quitter ma communauté aujourd’hui J’espère accomplir ainsi, quoiqu’à tâtons, la plus grande volonté du Seigneur sur moi. Que Dieu me vienne en aide »  Cf. Lettre du 18juin 1971

Le lundi suivant, je prenais arrangement avec le frère Lefrançois. Je savais qu’il éprouvait autant de peine que moi à me voir quitter la communauté. Je savais aussi qu’il me comprenait. Il me remercia pour le don de mes 28 ans de vie à la communauté et me souhaita le bonheur et la paix dans ma nouvelle voie. J’ai toujours senti une très grande sincérité chez cet homme. L’empathie rayonnait de tout son être.

On fit les comptes. Je laissais 3 500 $ à la communauté, économies que j’avais faites, sans privation, sur les salaires reçus pendant cette année. Il me remit un chèque de 2 600 $ qui correspondait au montant de 100 $ par année depuis la prise d’habit, le 25 août 1945. Ce montant avait été fixé par la communauté dans le but de permettre au sujet qui quittait de subvenir à ses premiers besoins. On attachait aussi à ce montant une valeur de reconnaissance symbolique pour le don de sa vie que le sujet avait fait à la communauté.

Personnellement, je n’ai jamais pensé que la communauté était en dette envers moi. Elle m’avait donné beaucoup plus que la totalité des salaires que j’avais gagné pendant cette période.

J’achetai au prix de 1 000 $ la Renault 16 qui était à mon usage à l’Arche mais qui appartenait à la communauté. Neuve, on l’avait payée environ 1 800 $.

Je n’étais pas dans le besoin. J’étais engagé pour tout l’été à donner des cours de catéchèse aux universités de Trois-Rivières et de Laval. Financièrement, cela me suffisait amplement.

Je laissai mes bagages à l’Arche, je les reprendrais après mes cours au mois d’août. Gaétan et Denis logeraient dans leur famille pendant les vacances et on verrait à se retrouver à la fin des vacances.

J’avais obtenu que l’Arche soit pendant les vacances à la disposition de la dizaine de jeunes qui avaient soumis un projet à Emploi Canada.

À la fin de juin, en montant à Trois-Rivières j’arrêtai à St-Zéphirin annoncer à mes parents mon changement de voie. Toute la famille était au camping à St-François. Je n’avais pas le cœur à leur fête. Je m’appliquai à sauver les apparences.

Quand nous sommes entrés à la maison au rang St-Alexandre, j’étais seul avec mes parents. Je leur annonçai la nouvelle en éclatant en sanglots.

La compréhension et la sympathie de mes parents, la peine qu’ils éprouvaient à me voir souffrir m’allèrent droit au cœur. Je passai la nuit à la maison. De les sentir si sereins, si attentifs à moi, si discrets quant aux raisons de mon choix me fut d’un grand réconfort.

En saluant mon père le lendemain, avant mon départ pour Trois-Rivières, je me rappelai la "prophétie" qu’il avait faite en 1967 lors de la sortie de communauté de mon frère Clément.

« J’ai l’impression m’avait-il alors confié, qu’il n’est pas le dernier à quitter la communauté et je pense même que dans deux ou trois ans il n’en restera plus aucun en communauté

Cette prédiction m’avait surpris. Ma vocation était alors ancrée dans le béton, plus solidement qu’elle ne l’avait jamais été. Mon frère Gilles, pris dans un remous similaire au mien, avait quitté l’année précédente, et avec moi, les prévisions de papa se réalisaient. Boule de cristal d’une paternité qui aime plus qu’elle ne juge.

J’étais en paix mais je sentais toujours au fond de moi le boulet accroché à mes poumons. Un poids de trois atmosphères qui risquait de me faire éclater de l’intérieur comme un poisson en dehors de l’eau.

Il me fallut bien trois ans pour liquider ce malaise. Apprivoiser une nouvelle vie sera le sujet du volume III de mes mémoires.

Cependant, il convient au terme de ma vie religieuse d’en dresser un bilan, ce que je ferai à la prochaine et dernière publication du volume II, le no 43.

Ainsi, on aura bouclé la boucle. Ma vie religieuse avait débuté en 1943.

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(1) Denis Drouin et Gaétan Demuys étaient les deux seuls jeunes qui demeuraient avec moi à l'Arche après le refus du conseil provincial d'y former une fraternité. ils étaient désireux de continuer ce projet avec moi à l'intérieur ou à l'extérieur de ma communauté. Les deux autres jeunes avaient quitté avant l'annonce de  la fin de ce projet. Le frère B. A.  avait dû quitter en mars pour raison de santé.

Références

(1) La GRANDE DÉCISION  de Monique Picard
(2) La gang à Serge - (4) Un groupe de fondateurs de l'Arche

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L’itinéraire de Jean-Guy LeGault



Avant de fermer le volume II , Jean-Guy revient sur sa petite enfance. Il nous présente ses ancêtres et les coins du Québec qu’ils ont colonisés.

Un clic ici nous transporte dans la région d’Asbestos dans les années 1940.
Mes origines asbestriennes et mon enfance à «La Mine»




par Jean-Guy LeGault

samedi 16 juillet 2011

43- Épilogue - Mes 28 ans de vie religieuse




Le cœur préfère rester concentré
Sur son sentiment qu’il réchauffe et protège –
Son bonheur est méditatif
Silencieux, il s’écoute palpiter,
Il se déguste religieusement lui-même
Citations de Henry Frédéric Amiel

La vie religieuse et le divin
De tout temps, l’au-delà a fasciné l’humain. De tout temps, l’homme a cherché et modulé ses formes de relation avec le divin. De tout temps, des humains ont consacré leur vie au divin. Qu’on les ait appelés sorciers, prêtres, gourous, moines ou religieux, ils ont été pour leurs concitoyens à la fois les spécialistes et les témoins privilégiés du divin.

Comme spécialistes (prêtres, sorciers, chamans …) ils ont expliqué, coordonné et organisé la présence et la fonction du divin (sacré) dans l’existence humaine. Dans l’Église chrétienne, ce sont les clercs qui ont fonction sacerdotale, celle de « faire sacré » de consacrer les gens et le monde à Dieu.

Les témoins du divin, de sa transcendance et de son immanence, ont développé différents modèles de vie consacrée ou reliée au divin. Ils incarnent dans leur chair et dans leur trame de vie ce qu’ils croient être dans l’au-delà de tous les champs de prospection humaine. Qu’ils aient été moines, ermites, anachorètes ou cénobites, qu’ils aient formé des ordres de contemplatifs, de mendiants ou de prêcheurs, un double commun dénominateur les réunit : la séparation du monde et la consécration de leur vie au divin.

À la fin du Ve siècle, saint Benoît a défini les bases de la vie religieuse (vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance) et l’a encadrée par une règle de vie qui a inspiré les Règles et Constitutions de la plupart des communautés et des ordres religieux. L’élan prophétique et mystique qui inspirait la vie consacrée fut comme cloîtré dans une institution. On entrait en religion.

Dans la religion chrétienne, les premières communautés religieuses ont formé des enclaves ou des mini-royaumes de Dieu dans le monde des hommes. Elles étaient pour les hommes de ce temps, des prototypes de vie céleste, fin et terme de toute vie humaine.

Au cours des âges, pour répondre à des besoins spécifiques, de nouveaux ordres religieux ont ajouté la fonction cléricale à leur état de vie. Ce furent les ordres prêcheurs et mendiants. (Dominicains, Franciscains, Cisterciens…) Au XVe siècle, la Compagnie de Jésus (Jésuites), fondée par saint Ignace de Loyola, s’est mise au service personnel du pape. Elle fut de ce fait fort impliquée dans les affaires des hommes.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, plusieurs associations caritatives d’hommes et de femmes ont vu le jour. Elles se sont donné pour mission de porter aide et secours à cette nouvelle classe sociale d’ouvriers entassés dans les banlieues des cités industrielles.
En vue de rendre ces regroupements bénévoles plus efficaces, et faute de mieux, pourrait-on dire, l’Église a conféré le statut de religieuses et de religieux à leurs membres et elle a désigné ces nouvelles communautés caritatives sous le nom de « congrégations religieuses laïques ». Ce sont les sœurs et les frères que l’on connaît. Ils sont laïcs et non clercs. Ils s’adonnent concrètement aux œuvres d’éducation des enfants et de soins de santé. C’est leur raison d’être principale.

Ils œuvrent dans le monde mais vivent en Église selon les normes de vie religieuse traditionnelle définies pour des extra-terrestres, les « sortis » du monde terrestre. Selon une expression populaire, ils sont dans le monde mais pas du monde.

Comme l’escargot traîne sa coquille en descendant dans la plaine, la vie religieuse a amené avec elle sa demeure, son cloître: costume, heures de prières, vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, obligation de la vie commune.

D’origine française pour la plupart, ces congrégations religieuses ont fondé au Québec et partout à travers le monde d’importantes institutions d’enseignement, de soins de santé et de services sociaux.

C’est dans cette forme de vie religieuse, que l’on pourrait qualifier d’ « hybride », que j’ai vécu comme frère du Sacré-Cœur, dans l’institut fondé par le Père André Coindre, en France, en 1821. J’y ai passé de très belles années.

Sur la terre comme au ciel

Comment vivait-on la vie religieuse chez les Frères du Sacré-Cœur à cette époque ? Ces vingt-huit ans se partagent en deux périodes assez différentes. De 1943 à 1960, j’ai vécu le régime d’une vie religieuse traditionnelle, selon des patterns établis depuis longtemps. Les onze dernières années furent marquées par de profondes transformations de notre milieu de travail et à l’intérieur de la communauté par une recherche de sens sans précédent.

Souvenirs de vie religieuse traditionnelle
Un temps minutieusement découpé

Les Frères se lèvent tôt. Ils font deux heures et trente d’oraison ou d’exercices de piété par jour. Ils portent toujours la soutane, oui, toujours, aussi bien pour l’enseignement, la pratique des sports, les loisirs, les sorties et le travail manuel.

Après l’oraison du matin, la messe, le déjeuner souvent pris en silence, ils se rendent à l’école qui la plupart du temps jouxte leur résidence. Jusqu’à midi, ils seront sur la brèche: préparation de la classe au tableau noir, correction des devoirs, enseignement, surveillance des allées et venues et des récréations.

Ils ont à peine une heure pour dîner. Ils se font un devoir d’animer les jeux dans la cour de récréation. Une petite heure libre de seize heures à dix-sept heures, la plupart du temps occupée à la préparation de la classe du lendemain ou à des activités parascolaires avec les enfants de chœur, la chorale, l’animation d’équipes sportives, de clubs de toutes espèces.

À dix-sept heures, ils reprennent le collier de la vie spirituelle et communautaire jusqu’à l’heure du coucher fixé à vingt et une heures. Tout se fait et se vit ensemble, en communauté. Chaque activité a son moment prédéterminé et à moins d’une circonstance spéciale autorisée par le supérieur, elle commande une présence et une participation sans contestation.

Le cadre de la fin de semaine est un peu plus lâche mais tous les moments ont leurs tâches propres et toute activité, que ce soit de loisir, de prière ou d’étude s’accomplit en commun : la prière, la participation aux offices dominicaux, les sorties et même, le samedi matin, le grand ménage du «cloître».

L’école fait partie du cloître. Tous les postes d’enseignement, sont occupés par les frères, sauf l’enseignement aux tout-petits souvent confié à des institutrices. La tâche du frère enseignant est aussi minutieusement découpée par la tradition. On y prévoit le temps et le moment de chacune des matières : le catéchisme en entrant, suivi de la dictée et du français, puis, l’arithmétique, l’histoire et la géographie, l’après-midi, qui se termine par la prise en note des devoirs et des leçons à faire et à apprendre pour le lendemain. La semaine se termine par la leçon de dessin.

Les grandes vacances sont découpées par six jours de retraite en silence, minutieusement partagés en séquences bien minutées par les exercices de piété réguliers, les repas, toujours en silence, trois ou quatre prédications par jour, la conférence du supérieur provincial et les entrevues avec le prédicateur, le confesseur et le supérieur provincial. Puis, du début de juillet à la mi-août, les frères vont se consacrer aux études, selon un programme personnel et communautaire bien encadré.

On réussissait même à rogner le temps des fêtes par deux jours de récollection ou de rencontres inter-communautaires.

Ce temps fractionné au laser caractérise la vie religieuse traditionnelle. Cette pratique vient du minutieux découpage de la journée du moine en temps de prières dont le bréviaire a gardé les principales articulations : Matines, Laudes, etc., découpage qui a été lui-même copié du Livre des morts égyptien.

Bien que je n’aie jamais été un maniaque de la ponctualité, ce découpage ne m’a jamais irrité l’épiderme. La routine est une huile lénifiante qui adoucit bien des angles. Se laisser porter dans la vie comme un enfant, évite beaucoup de contraintes et de frustrations.

Il y avait aussi dans ce système de vie religieuse traditionnelle beaucoup d’échappatoires qui ont évité que cette moulange à temps (1) transforme les religieux en robots comme notre époque sait en fabriquer aussi bien dans les usines de production massive que dans les officines pour cols bleus ou blancs.

Un esprit de famille pétillant, une souplesse de bon aloi de la part des supérieurs et un sens de l’humour de pince-sans-rire sauvaient les meubles, et même faisaient fleurir cette chaîne de montage du temps d’insolites bourgeons, de joies rayonnantes et d’histoires décapantes.

La spiritualité

La spiritualité qui inspirait cette vie religieuse traditionnelle tenait en deux mots catalyseurs : sacrifice et devoir.

Le sacrifice de sa vie

La structure de ce régime et ses applications les plus ténues tenaient leur justification dans l’intention de rendre effectifs la renonciation au monde et à ses plaisirs et le sacrifice de sa vie à l’imitation de Jésus-Christ mort sur la croix pour le rachat des hommes,

Cette spiritualité du sacrifice, quoique largement publicisée, n’a jamais à ma connaissance fait mourir, même à petit feu, aucun des frères que j’ai connus. Elle a sûrement inspiré quelques actes de « mortification » personnelle un peu exceptionnels, mais ce n’était pas ce courant spirituel qui galvanisait les troupes ou qui activait le tableau de bord des commandes journalières.

La spiritualité du sacrifice justifiait tout au plus la valeur de la vie religieuse et ses engagements fondamentaux, Pourquoi faisait-on le vœu de pauvreté ? … pour imiter Jésus pauvre par la renonciation aux biens de ce monde, etc.

Loin d’avoir été une privation, ma vie religieuse vécue selon les normes traditionnelles m’a apporté de profondes satisfactions.

Ainsi, je me suis promené longtemps sans aucun sou dans les poches et j’ai dû, chaque fois que je le jugeais important, demander la propriété ou l’usage d’un bien qui m’était nécessaire. Ces pratiques m’ont davantage libéré qu’opprimé.

Quand les consignes sont clairement définies, il est plus facile de demander une permission que d’avoir à juger de la pertinence de l’autorisation demandée.

De même, la renonciation aux plaisirs de la chair et au mariage était compensée par un chaleureux milieu de vie marqué par de nombreux témoignages d’appréciation et d’affection.

La spiritualité du devoir

Les vœux prononcés, cette spiritualité du sacrifice était comme mise entre parenthèses au profit de la spiritualité du devoir à accomplir, celle de la stricte observance des moindres dispositions de la règle de vie ou des directives données par les supérieurs, par fidélité à des engagements pris en bonne connaissance de cause.

On nous disait couramment : « Si le supérieur peut se tromper en commandant, l’inférieur ne se trompe jamais en obéissant. »

Que c’est agréable pour tout être humain de prolonger son enfance le plus longtemps possible, d’éloigner toujours le moment ou il devra rendre des comptes, et se reconnaître responsable des résultats obtenus. Un chemin tout tracé à l’avance et avec le sentiment que c’est le meilleur qui soit, voilà une autre grande source de libération personnelle.

Comme la mission apostolique des frères reposait principalement sur l’institution, le vœu d’obéissance des sujets donnait à l’institution le moyen de la plus grande efficacité possible.

Les obédiences reçues devant tous les frères à chaque année le 15 août ne m’ont jamais été contraignantes. Elles m’ont plutôt dit la confiance de mes supérieurs. Elles précisaient la portion de la mission apostolique qui, pour l’année en vue, m’était assignée, ainsi que le terrain d’accomplissement de mes devoirs de religieux.

Bref, la spiritualité qui alimentait ce régime de vie était simple et efficace. Elle a assuré l’uniformité des comportements et favorisé l’inlassable quête du meilleur.

Plusieurs ont dépassé cette spiritualité de la rigoureuse observance et sont parvenus à une authentique relation avec le divin personnifié en Jésus, fût-il à l’agonie du Vendredi saint, et parfois au rayonnement du dimanche de Pâques.

La vie commune, source et défi

Vivre avec dix, vingt ou cinquante moines, devoir tout faire ensemble sous un même toit sans s’écorcher ni « péter les plombs » c’est un perpétuel défi, toujours difficile à relever. Des jeunes ardents et bruyants, des vieux grincheux aux tics agaçants, des frères à l’ego débordant, d’autres taciturnes renfrognés sur leurs petits bobos, il y a de tout cela en permanence ou en puissance dans toute communauté.

Le Frère X qui traîne toujours de la savate quand il déambule dans les corridors, l’autre qui lape bruyamment chaque cuillerée de soupe, celui qui raconte inlassablement ses petits faits à manchettes et celui qui chiale pour des riens et pour tout, voilà une confirmation du sévère jugement de Sartre « L’enfer c’est les autres » .

Cependant, cet aspect de la vie commune dilué par la diversité des caractères et coulé dans un temps variable n’était pas aussi revêche qu’il en avait l’air.

La vie commune de ce temps avait aussi, comme toute médaille, un verso qui compensait largement les irritants d’une première approche. Elle a été surtout pour moi une source inaltérable de vitalité et de jovialité. La richesse de chacun, ses talents, ses exploits, son histoire, tout un bien commun, propriété du « nous » qui m’a toujours comblé de fierté.

Et, malgré quelques désagréments, on se paie tous les jours dans les salles communes un spectacle toujours renouvelé. Chacun a sa version des faits du jour, on en parle, on en discute, on en rit. Les taquineries, ce sel de l’amitié, fusent de partout et donnent du panache au moindre événement.

Et sentir la solidarité, solide et sans faille, partout et devant tout, quelle assurance ! J’ai une communauté derrière moi, un supérieur qui m’écoute avant de me juger, des confrères qui m’encouragent et qui savent se taire au lieu de me blâmer, qui se souviennent du jour de ma naissance, qui sont prompts à applaudir la moindre de mes réussites, qui savent par un bon mot ou une diversion discrète dissoudre un « motton » plus coriace qui ne passe pas la gorge de sa tolérance.

Quelle force permanente que la solidarité communautaire de frères qui vivent entre frères… Cette solidarité transforme la prière en incantation, le travail en coopération, la fête en explosion, la faiblesse en maillon du plus fort.

La  vie religieuse de l’ancien régime fut surtout marquée pour moi par les bienfaits de la vie commune qui doublait la joie de vivre et les raisons de persévérer. Le centuple promis.

Cette forme de vie religieuse a été pour moi pendant au moins dix-sept ans, bonne, facile et agréable à vivre.

Vie religieuse sous le vent des changements

Le monde occidental a connu à la deuxième moitié du XXe siècle une bascule sans précédent qui a modifié de fond en comble ses institutions, ses valeurs, ses manières de vivre et de penser son existence. On n’a pas à épiloguer longtemps pour comprendre que les communautés religieuses, surtout les congrégations qui avaient déjà un pied dans l’étrier de ce monde, aient été affectées par cette bascule.

Mes onze dernières années de vie en communauté furent surtout marquées par le renouvellement en profondeur de la vie religieuse et de la mission apostolique sur une terre nouvelle, inculte, en proie à de non moins profondes transformations.

On peut signaler quelques signes-facteurs de ces bouleversements comme : la télévision qui modifie la dynamique communautaire, l’abandon du costume religieux qui pose des interrogations sur son identité, le nombre croissant de laïcs au sein du personnel de nos écoles, l’extension au Québec de l’enseignement secondaire public, la généralisation et la diversification des études universitaires aux programmes de formation académique des frères, les remises en question initiées un peu partout par une modernité envahissante, etc.

Il faut cependant une espèce d’ultraviolet pour éclairer la source de ces changements au sein des communautés religieuses enseignantes ou hospitalières.

Je me limiterai à décrire ce dont j’ai été témoin et ce que j’ai vécu pendant cette période principalement en ce qui concerne la vie religieuse elle-même.

Nouvelle quête de sens et de compétence

Au plan pastoral, c’est-à-dire en ce qui concerne mission apostolique de l’Église, le souffle de Vatican II inversait les pôles. Sous cette poussée, l’évangélisation vise à amener Dieu au monde plutôt qu’à soumettre le monde à Dieu. Les valeurs de vie, de relation personnelle à Dieu et aux autres, de partage, de sens, sont privilégiées par rapport aux valeurs du sacrifice, du devoir, de la conformité aux règles établies et de la soumission à toute autorité qui caractérisaient l’ancien régime.

Cette vague de fond a créé au sein des communautés une mobilisation extraordinaire de quête de sens. Il fallait tout ré-apprendre, découvrir et réinventer le sens vrai des fondements et des visées de la vie religieuse et de l’engagement apostolique.

Au lieu de forcer la rencontre de Dieu et de l’homme par la pratique sacramentaire, il fallait la faciliter dans le concret de la vie. Au lieu de savoir et d’expliquer des vérités éternelles, il fallait apprendre à voir et à découvrir un Dieu présent en terre non sacralisée. Au lieu d’apprendre le protocole d’une intronisation future au Royaume des cieux, il fallait entraîner à l’acuité du regard de foi et à la patience des cheminements sur des sentiers tout nouveaux.

L’institution, au lieu d’être la garante des orthodoxies se devait d’être la source et l’inspiration des porteurs individuels du message.

Les frères se sont donnés avec entrain à cette tâche de ré-éducation personnelle et de re-centration de leur action apostolique. Le dynamisme religieux rayonnait de partout. Les frères ont voyagé pendant ce temps comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant. Ils ont exploré tous les domaines de la connaissance dans toutes les universités du monde. Ils ont partagé leur savoir-faire avec beaucoup de nations de la terre.

On prenait des engagements inédits. Plusieurs frères étaient honorés pour leurs implications dans des activités ou des œuvres civiles. On en était fiers.

Jamais, on a autant parlé de Dieu, de la Bible, de Jésus, de la résurrection, de foi et de spiritualité chrétienne que pendant cette période. Des stages de ressourcement étaient organisés un peu partout sur ces sujets et les frères les fréquentaient assidûment.

On a aussi élargi et transformé complètement les engagements apostoliques des frères dans leur milieu. Au lieu de se limiter à des œuvres scolaires communautaires, plusieurs frères ont été des levains ou des leviers qui ont contribué en solidarité avec d’autres acteurs sociaux à humaniser le milieu, à corriger les injustices, à valoriser les plus pauvres et les plus démunis. On applaudissait aux exploits accomplis en dehors du monastère qui se libérait de plus en plus de son cloître.

Ces belles visées et ces heureuses initiatives étaient difficiles à couler en formules pratiques qui remplaceraient les anciennes Règles et Constitutions. Ce fut la tâche principale des chapitres provinciaux et généraux. On s’y donna si ardemment que ces instances accouchèrent après de longues délibérations, de modifications à la Règle de vie beaucoup plus importantes qu’on ne l’avait d’abord prévu. Je m’y employai peu personnellement, mais cependant, cette atmosphère de renouvellement était généralisée et mobilisatrice.

Malgré quelques dissensions qui se manifestaient davantage par des silences que par des oppositions, on se sentait de corvée, tous employés à la tâche de grand ménage, de rénovation de notre famille pour la rendre belle, meilleure porteuse du message évangélique et plus conforme à l’esprit nouveau qui de Rome soufflait sur toutes les terres chrétiennes.

La dégénérescence des institutions

En même temps que s’animait cette ruée vers le sens, l’or de la nouvelle spiritualité, la désagrégation des institutions de prestige qui faisaient la fierté de tous les frères répandait une atmosphère délétère qui forçait le repli dans des zones plus sûres où régnaient la conformité et la résignation.

Les recrues se faisaient de plus en plus rares, le personnel religieux diminuait drastiquement dans les écoles et l’on dut fermer des établissements réputés et séculaires.

On tentait de trouver refuge dans des formules passe-partout dont on n’était pas dupes de leur efficacité. « Les desseins insondables de la Providence » n’arrivaient pas à contrer un certain défaitisme qui ralentissait imperceptiblement beaucoup d’élans.

Bref, de pair avec un élan de renouvellement exceptionnel, les congrégations religieuses ont connu pendant ces années, de 1960 à 1975, une dégénérescence marquée de leurs institutions qui s’est exprimée d’abord par une diminution flagrante de leurs effectifs. Chaque fois qu’on annonçait le départ d’un frère, c’est toute la communauté qui, en silence, en absorbait le choc.

Les congrégations religieuses, en fortes instances de régénération, cheminaient déjà sur la pente de l’extinction.

Il n’est pas juste d’attribuer cette trop rapide extinction des communautés religieuses à un certain relâchement comme cela s’était produit à d’autres époques de la vie de l’Église et au sein même de ses institutions religieuses.

On ne peut parler non plus, comme facteur de dégradation, de l’invasion de l’esprit mondain au sein des communautés. Les frères fréquentaient davantage le monde mais ils étaient plus religieux et plus fervents que jamais. Plus que jamais ils ont été dans leur milieu, pendant cette période, des porte-parole sensibles et efficaces de la Bonne Nouvelle.

L’ampleur du renouvellement amorcé par l’Église et par les communautés religieuses qui sont allées jusqu’au sabordement d’institutions séculaires est plus révélateur de la vitalité de ces communautés que de leur anémie.

Cette passion du renouvellement jointe à une intense quête de sens dans un contexte de désagrégation des institutions communautaires a créé un remous qui a incité plusieurs religieux à se poser la question du sens de leur engagement et de la portée de leur action en pareille situation. Ce remous a dégénéré en une espèce d’épidémie de sécularisation qui a affecté toutes les congrégations religieuses au Québec et aussi un peu partout à travers le monde.

Il ne faut pas non plus expliquer cette dégénérescence par un repli de ces communautés sur leurs acquis et leurs traditions. Ce que j’ai vécu infirme complètement cette lecture des événements et je suis certain qu’un historien sérieux qui se pencherait sur l’évolution des communautés religieuses au Québec pendant cette période, ne soutiendrait pas cette thèse. Les religieux de cette époque étaient fervents et plutôt avant-gardistes que rétrogrades.

Pour moi, cette période de ma vie religieuse, si différente qu’elle fût de la première, ne fut ni terne, ni pénible, ni amorphe. Elle fut au contraire dynamique et ardente, féconde en réalisations de toute espèce, débordante de défis. Je l’ai vécue intensément et j’en garde un excellent souvenir.

Pour qualifier cette période, on pourrait dire que la douceur de vivre en communauté selon l’ancien régime s’est transformée en ardeur de vivre. Deux moments d’une même intensité de vie à modulation variable.

L’héritage de mes 28 ans de vie religieuse

Une comptabilité des profits et pertes de mes vingt et une années d’enseignement et de mes sept ans de formation à plein temps dans la communauté se solderait par un gros avantage des plus sur les moins. Même au strict plan monétaire, j’ai sûrement reçu plus de ma communauté que je ne lui ai donné.

Cependant c’est surtout sur d’autres bases que mon bilan marque des gains appréciables.

D’abord le métier

Si j’étais resté chez moi, il est fort probable que je n’aurais pas poursuivi mes études au-delà de ma 8e année. Au mieux, j’aurais appris un métier. Dans la vingtaine, j’aurais fondé une famille et, au mieux toujours, j’aurais vécu ces vingt-huit ans sur un fond de lutte de survie acharnée et de féroce compétition à tous les plans. Peut-être, aurais-je connu de temps à autre quelques îlots de bonheur et de profonde satisfaction.

Grâce à la générosité de la communauté à mon endroit, je la quitte avec un métier, une profession que j’ai appris à apprivoiser et à aimer, qui fera mon bonheur et mon gagne-pain jusqu’à la fin de mes jours. Enseignant, le plus beau métier du monde ! Je le dois entièrement à ma communauté et je ne saurais lui être assez reconnaissant pour cet inestimable cadeau.

La pénétration du regard, un phare dans la nuit

Mais il y a encore davantage. Une vie humaine peut n’être qu’une série de petits gestes, une routine sans issue. Pour un humain, c’est le sens qui est le plus grand facteur de la qualité de vie.

Ces vingt-huit ans ont été vécus sur la corde raide d’une incessante quête de sens, l’entraînement quotidien et sans répit au sport olympique de la lutte de Jacob avec l’Ange. (2) Je ne sais ce que ma foi serait devenue en dehors de la vie religieuse. Au mieux, la suite des rencontres rituelles et coutumières que j’avais tout jeune avec Dieu sans jamais le voir face à face. Ma vie religieuse m’a donné la foi. Et plus que la foi, si cela est possible, une conscience de la foi qui élargit la vision, qui ouvre les horizons de l’impossible, qui gère le mal et les contradictions du monde, qui se répand comme une huile bienfaisante sur toutes les conquêtes de la vie sur la mort, qui forme, sans qu’on le voit toujours, le tissu de notre quotidienne existence terrestre.

Une famille pour toujours

Y a-t-il davantage? Oui, une communauté de frères, une famille. Tout être humain peut émailler son existence d’amitiés solides et durables. C’est sous le regard d’un ami qu’on se fait qu’on se voit vivre et grandir. Un ami, c’est une denrée rare et précieuse.

Une famille de frères avec qui on a vécu, avec qui on a cheminé, partagé une foi, des projets, des biens, des déboires etc. donne à l’amitié des ailes qui rassemblent en fraternité les amis dispersés. Le chant « Animés de l’amour » qui nous ralliait l’exprime admirablement bien.
Animés de l’amour Dont on s’aime entre frères,!
Qu’il est beau, qu’il est doux,
D’habiter un seul lieu.
Qu’il est bon, qu’il est doux,
Au sein de nos misères,
De n’avoir qu’un seul cœur
Pour bénir un seul Dieu.
Cette famille, elle est toujours mienne. Ces frères, ces centaines de frères répandus à travers le monde, que j’ai connus, aimés, sont de mon sang, de ma race, de ma vie, frères pour toujours, comme des frères de sang. Ce cadeau je l’emporte avec moi. Cette famille ne fut pas ma famille pendant vingt-huit ans, elle est ma famille pour toujours.
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(1) L’expression « moulange à grains », que l’on retrouve chez quelques auteurs québécois, était courante à St-Zéphirin dans les années quarante. On allait régulièrement au moulin à grains situé sur le bord de la rivière Nicolet à Chatillon pour y faire moudre le grain (avoine) qu’on destinait aux vaches en hiver. On appelait « moulange » les grosses meules qui broyaient le grain. Revoyant nos horaires de vie communautaire si fractionnés il m’a semblé qu’une « moulange » semblable s’était attaquée à nos temps de vie religieuse, d’où l’expression « moulange à temps ».

(2) Cf. Gn 32,23-33 « Lâche-moi car l’aurore est levée, » mais Jacob répondit « Je ne te lâcherai pas que tu ne m’aies béni. » Il lui demanda : « Quel est ton nom ? » « Jacob » …

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Les frères du Sacré-Cœur aujourd’hui et demain

Quel est le sort ou le destin réservé aux différentes congrégations religieuses autrefois si florissantes au Québec ? Si l’on regarde les moyennes d’âge et la courbe de leur évolution, le verdict est clair ces congrégations sont sur la voie descendante qui mène à l’extinction d’ici une vingtaine d’années.

La plupart de leurs institutions ont été vendues ou cédées à l’État ou à des associations sans but lucratif de laïcs qui prennent la « relève institutionnelle ».

Aucun frère du Sacré-Cœur n’occupe aujourd’hui un poste dans une institution d’enseignement. La moyenne d’âge des 240 frères québécois qui vivent présentement en communauté voisine les 75 ans. Le plus jeune frère dans la Province du Canada est âgé de 39 ans et il n’y a aucune relève en vue, c’est-à-dire pas de postulants ou de novices. (1)

Comment les frères qui sont restés en communauté vivent-ils cette dernière étape de leur vie personnelle et communautaire ? Deux constats ressortent des contacts que j’ai gardés ou renoués avec certains de mes anciens confrères.

Sérénité et recyclage

Sérénité devant la dégradation des institutions. « Elles ont fait leur temps, elles ont servi. C’est le passé.» Maintenant « comme de vieux râteaux rouillés » chantés par Félix Leclerc ou les « pianos mécaniques « de Claude Léveillé, elles ne servent plus. Il ne sert à rien de vouloir les ressusciter artificiellement. Il est temps de tourner la page pour danser sur une autre musique.

Aucun des frères rencontrés n’a manifesté une certaine nostalgie de ces temps révolus. On ne porte pas d’accusations ni de blâmes aux responsables imaginés de cette dissolution. On ne vit pas non plus que de l’attente passive de la fin.

Recyclage des institutions

Une politique de recyclage des maisons de formation et des maisons provinciales libérées par les fusions fut pratiquée intensivement à compter de 1988 en faveur de ce qu’on a appelé « le relève institutionnelle ». La propriété et la gestion de plusieurs colonies de vacances fondées par les frères furent transférées à des organismes qui en assuraient la continuité ou l’adaptation aux besoins nouveaux.

Quelques frères œuvrent dans au moins quatre nouvelles institutions qui répondent à des problématiques sociales particulières :

Le Village des Sources à Rimouski : fait vivre à de jeunes élèves, dans la nature une démarche centrée sur la rencontre de soi, la rencontre de l’autre, la dimension spirituelle et la créativité.
L’Arrimage à Rimouski : centre de désintoxication
Les Éboulement : colonie de vacances
Vallée Jeunesse à Québec : œuvre de collaboration, parrainée d’abord par les Frères maristes – frères et laïcs; intervention auprès de jeunes qui éprouvent des difficultés psychosociales.
Emmaüs à Victoriaville : un lieu d’accueil et de passage spécialement pour les jeunes adultes de 18-35 ans; offre un accompagnement au service de la vie
À Montréal et à Québec : maison d’accueil pour les étudiants – niveau universitaire.

Ces œuvres, pour la plupart, ont pour caractéristiques communes d’être dirigées et animées conjointement par des frères, des laïcs et des religieux appartenant à d’autres congrégations religieuses.

Recyclage spirituel des frères (2)

Depuis quelques années, les frères qui jadis recevaient leur mandat des supérieurs (obédiences) sont invités à se trouver une mission apostolique qui corresponde à leurs goûts et à leur compétence.

Plusieurs d’entre eux, des vigoureux ayant dépassé l’âge de la retraite, ont recyclé leur apostolat en s’engageant comme bénévoles au service de personnes retraitées ou à mobilité réduite, ou bien auprès de jeunes en difficultés. Certains animeront les offices religieux dans des centres d’hébergement pour personnes âgées, d’autres apporteront leur aide au dépannage aux jeunes éprouvant des difficultés scolaires ou sociales.

Un frère du Sacré-Cœur, dans la soixantaine, frère Jean-Guy Roy, mon ancien élève et ma fierté, est directeur de Radio Ville-Marie.

Un autre, Frère Raymond Barbe, qui a dépassé ses quatre-vingts ans, a animé pendant 15 ans le mouvement Cursillos; il vient tout juste de prendre sa retraite.



Frère Claude Chénier, un ancien missionnaire en Haïti, milite au sein d’un rassemblement des Haïtiens de Montréal.


Frère Claude Paradis, vit seul au cœur d’un quartier défavorisé de Montréal. Il veut assurer une présence chaleureuse et attentive auprès des pauvres et des plus démunis.

Le frère Arthur Montplaisir à 88 ans quitte tous les matins sa résidence (Meilleur) pour se rendre à l’UQUAM où dans un petit bureau il reçoit des étudiants étrangers (surtout asiatiques) qu’il guide dans leur apprentissage de la langue française et à qui il facilite l'insertion dans la vie montréalaise. (3)

On me signale aussi le frère Gaston Leblanc, un ancien provincial, qui « accompagne » le cheminement psychologique et spirituel de personnes en difficulté, surtout des jeunes de 20 à 40 ans.

Et, j’en suis certain, cette liste de frères qui ont recyclé leur engagement apostolique traditionnel  pourrait être allongée de beaucoup d’autres exemples,
Plusieurs frères aussi se dévouent à une aide d’assistance quotidienne auprès de leurs frères malades ou dont les capacités sont réduites.

Comme le souligne le frère Marcel Rivière, ces frères, engagés dans une mission apostolique institutionnelle, ont pris le virage d’un engagement personnel à caractère prophétique qui témoigne de la présence vivifiante au cœur de la communauté humaine de ferments de libération et de promotion de la qualité de vie.

La vie spirituelle de ces frères rescapés de la tourmente ne s’enlise pas non plus dans la routine de pratiques religieuses désuètes. Un bulletin hebdomadaire, Le Lien, témoigne de la vivacité de l’esprit de famille qui règne toujours dans ces communautés et du renouvellement de leurs engagements religieux. Un service d’animation et de réflexion spirituelle parfaitement mis à jour est offert aux différentes communautés de la province.

Bref, si l’institution s’éteint, les religieux qui l’habitaient sont toujours bien en vie et témoins de la Lumière qui depuis Bethléem éclaire les habitants de la terre et nourrit leurs espérances.

Quels regards ces frères projettent-ils sur leur vie religieuse actuelle et à venir ? Les quelques références ci-jointes donnent accès aux réflexions que d’anciens compagnons, toujours religieux, ont formulé sur le tournant qu’a dû prendre la congrégation au cours des derniers trente ans à la suite de la révolution culturelle que nous traversons. C’est un tonique pour la foi et l’espérance en l’humanité de toujours animée par une énergie qui a déjà vaincu la mort. . Cf. Références ci-bas.

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(1) Entre 1872 et 2009, les FSC ont occupé 395 édifices (écoles, maisons provinciales, maisons de formation, et résidences). En 1965, on comptait 1520 frères résidents au Canada. En 2009, on ne compte plus que 240 frères rattachés à la Province du Canada, répartis en 27 communautés.

(2) Cf. Les Frères du Sacré-Cœur - Leur apostolat au Canada – 1900-2004 – 2e édition revue et corrigée – 2009 Annexe 4 p. 255 …

(3) Cf. GRAVEL Claude, La vie dans les communautés religieuses, Libre Expression, 2010, p. 209.

Références :
Raymond Barbe – Regards sur l’AVENTURE FSC – Hier – Aujourd’hui - Demain
Marcel Rivière - Comment j’entrevois la vie religieuse dans l’avenir
Jean-Claude Éthier S. C. Une communauté à la croisée des chemins
Jean Guy Roy S, C. En mission jusqu’au bout !
Zénon Clément - Un prêtre dans le vent de notre temps!
Claude Paradis - Vox clamantis in deserto.

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Remerciements


Je m'en voudrais de terminer le volume II de mes mémoires "Un frère dans le vent des changements" sans exprimer ma très vive gratitude:

- d’abord à « ma » communauté, les Frères du Sacré-Cœur du Canada, qui en est la source principale,

- à tous les frères que j’ai nommés et ceux, non oubliés, qui m’ont accompagné à chacune des étapes de ce parcours;

- à Jean-Claude, mon compagnon et mon frère, « bœuf ruminant » qui, du début jusqu’à la fin de mon itinéraire et de sa narration m’a encouragé, inspiré, corrigé et qui a étayé mes dires de précieuses références;

- aux confrères de Jesus Magister de la première foulée, Louis Régis+, Innocentio+, Louis-Omer+, Marcel, Raymond, Maximin, Jean-Pierre qui ont été de formidables agents de formation et de transformation;

- à l’équipe de l’Office catéchétique de St-Jérôme, Jacques, Pauline+, Hélène, Marc et Jean-Paul qui m’ont accompagné sur la ligne de front du renouvellement;

- à Léo, Pierre, Gilles, Rémi , Réal – Bernard, Yolande, Diane, Ginette Danielle et combien d’autres qui ont fait de l’Arche des Jeunes le succès que nous connaissons;

- aux douze ex, Raymond +, Bernard A., Marcel, Jean+, Jean-Guy, Bernard D., Claude, Clément, Eddy,  Jacques, Raymond B, Robert , Ghislain+ qui ont été l’inspiration et l’occasion de ce projet d’écriture sans oublier toutes celles qui les accompagnent : Claire, Louise, Louise D., Monique, Hélène, Roselle, Pierrette, Madeleine, Jeannine,  Lucie,…dont les oreilles bourdonnent encore de la narration des exploits et des facéties, réminiscences répétées "ad nauseam" de ces temps de vie commune.

Une gratitude tout à fait spéciale à l’équipe d’édition des mémoires;

- à Lionel, cet œil de lynx qui chaque semaine passait des heures, à l’affût des écorchures à la langue française, qui les réparait avec un art consommé y accrochant toutes les virgules nécessaires à la bonne
intelligence des textes et au bon équilibre des phrases;

- à Clément, gérant de l’édition finale qui chaque semaine aussi avait la patience de satisfaire aux caprices des ondes, de donner aux textes les habillages convenants pour leur voyage sur la toile du Web et leur parution devant les fenêtres du Word;

- à Maurice, ce dépisteur incontournable de tous les « québécismes » qui truffent souvent sans conscience les tournures les plus sophistiquées;

- à Bernard, ce censeur avisé qui savait ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas écrire et qui a eu le doigté requis pour prévenir les susceptibilités facilement offensées;

- à l’équipe du soutien technique, Jacques, Jean et Eddy, toujours disponibles pour parer aux pannes des machines et de l’esprit qui les gère.

ET UNE RECONNAISSANCE SANS BORNES

- à Ghislaine pour sa patience à tolérer mes absences de corps et d’esprit, pour son soutien sans faille, pour ses critiques sollicitées toujours à point; pour la libération des tâches ménagères quotidiennes et de tous ces petits riens qui rognent l’horaire d’une journée; pour son souci quotidien à nourrir mes vices et à fermer les yeux sur mes bévues. S’il y a parfois une femme en arrière d’un grand homme, on peut dire qu’il y a eu ici une grande femme en arrière d’un petit écrivailleur d’occasion.

- et à tous les LECTEURS connus ou anonymes. Se savoir ou se penser lu, c'est le carburant indispensable à tout raconteur, surtout s'il est novice dans cet art.

MERCI À TOUTES ET À TOUS, POUR TOUT!