samedi 16 octobre 2010

26- L'illumination

Pour entendre le chant en grégorien, double clic sur l’image

Veni Creator Spiritus
Mentes tuorum visita
Imple superna gratia
Quae tu creasti pectora (1)

Le 19 septembre 1960. Dans la chapelle de la Maison généralice, 3, Piazza del Sacro Cuore, Roma.

Les yeux clos, emporté par la mélodie de cette hymne aux tonalités incantatoires, je me laisse bercer par la douce brise du grégorien qui la porte et je développe ses strophes comme autant de présents venus d’un autre monde.

Viens Esprit créateur,
Visite l’esprit de ceux qui te sont chers,
Remplis de ta présence
Les cœurs de tes enfants.

Ils sont vingt-quatre venus des quatre coins de l’univers. Des frères, blanchis sous le harnais, ayant franchi la quarantaine pour la plupart. Leur obédience pour l’année 60-61 les a assignés au Grand- noviciat, à Rome, la Mecque des chrétiens, centre névralgique du Royaume de Dieu sur terre, puissant émetteur de radiations spirituelles chrétiennes.

Depuis le début des années 50, chaque frère du Sacré-Cœur y vient normalement une fois dans sa vie pour une mise à jour spirituelle. On fait son grand-noviciat comme les Français font leur service militaire. C’est la plupart du temps une obédience désirée et attendue, à cause de Rome et de son prestige, à cause du voyage rêvé dont chaque frère qui l’a fait en raconte les alléchantes péripéties et aussi peut-être parce qu’on ressent comme une faim, un goût de relâche après avoir passé des années à répéter les mêmes leçons, à corriger les mêmes devoirs, à faire face aux mêmes défis de l’organisation scolaire, paroissiale et communautaire.

Ils sont là, « Les mains ouvertes devant Toi Seigneur"(2), (un clic sur l'image pour entendre le cantique) le cœur débordant de grandes ou de moyennes espérances, certains, sans le dire, anxieux de retrouver la ferveur de leurs premiers élans dans la vie religieuse.

C’est à l’intérieur de chacun, comme sur les théâtres grecs, que se jouera le mystère du renouvellement intérieur.

Les lancinantes incantations du Veni Creator pénètrent en les réveillant tous les pores de la conscience. Elles rallient ces apôtres du cœur venus de tous les horizons en une communauté de frères priants, les introduisant dans l’enceinte sacrée d’un temps de grâces, fonts baptismaux de leur régénérescence.

Imple superna gratia
Quae tu creasti pectora

Les échos de cette hymne se répondent entre les murs de la chapelle, ils font vibrer d’espérances les corridors de cette austère maison généralice, ils empruntent les routes variées du temps de chacun des militants, recouvrant leurs œuvres d’une patine dorée, se répercutant à travers le monde, partout où il y a des frères qui se donnent pour la vie à la faire éclore dans le temps éternel.

Accende lumen sensibus
Infunde amorem cordibus
Infirma nostri corporis
Virtute firmans perpeti.

Allume la lumière en nos vies,
Emplis nos cœurs d’amour,
Soutiens de ta force
La faiblesse de nos corps.

Je suis partant avec eux pour ce « spirit-athlon » qui poussera chacun jusqu’au bout de son âme, à la frontière de ses énergies les plus secrètes.
Oui, dès le mois de mai, j’en avais fait la demande au Révérend Frère qui l’avait accueillie avec grand plaisir. Le Frère Josaphat (3), alors supérieur général, y voyait un complément normal, voire même souhaité pour chaque étudiant inscrit à Jesus Magister. Mes confrères, eux, craignaient que le souhait du supérieur majeur devienne une norme. Pour moi, ce fut comme une décision de quitte ou double. J’y voyais un dernier recours, la planche de salut de ma vie religieuse minée de l’intérieur par de violents tiraillements.

Ces mélodies divines du Veni Creator m’enveloppent de leurs langes soyeuses. Je reviens à l’état initial de ma vie, la douceur du silence, la chaleur du cocon. Cette atmosphère de paix que j’avais connue à ma naissance mais que je n’avais pu alors identifier me manque et me comble. 

Je dois cependant reconnaître qu’après trois mois de vacances à la maison généralice sous les canicules romaines et le regard feutré des supérieurs majeurs, je regrettais un peu mon engagement à répéter une fois de plus, pendant un long mois, les Exercices spirituels que je connaissais pour les avoir faits chaque année pendant six jours et avant ma profession perpétuelle pendant vingt et un jours.

Sans compter que les lumières nouvelles que mes lectures et les enseignements reçus à Jesus Magister avaient projetées sur la théologie et sur la foi me faisaient lever le nez sur une spiritualité d’allure militaire colorée aux valeurs du XVIe siècle.

Quelle mouche m’avait piqué pour que je passe trois mois de vacances avec mes supérieurs bien-aimés dans une maison vide de ses grands-novices, alors que j’aurais pu retourner en Angleterre pour y perfectionner mon anglais ou me balader chez nos frères d’Espagne, sans avoir à me soumettre à ces sévères Exercices ?

Les Exercices, un remède de cheval qui me guérirait à tout jamais. Trente jours enfermé dans le silence, coupé de tout ou presque, à me contorsionner l’âme par un rigoureux entraînement à la méditation et à la prière. Je m’étais fait à cette idée qui m’apparaissait comme le seul moyen de me libérer de mes entraves.

Les cours à Jesus Magister avaient certes lustré mes raisons de croire. Mais, c’est prouvé, la raison et les bonnes raisons de croire ne donnent pas la foi. Mes doutes s’étaient pendant ce temps amplifiés comme un vent de tempête.

L’œil de Dieu poursuivait Caïn jusqu’au fond des plus profondes cavernes, nous disait notre livre d’Histoire sainte. Mon boulet, comme la loi de la gravité, s’imposait à chacune de mes démarches. Je priais, il était là, défiant l’écho d’une réponse de Dieu. Je raisonnais, il ridiculisait tous mes arguments et me mettait au défi de prouver comme deux et deux font quatre ce que je devais ou disais croire. Je regardais les autres vivre et je me demandais si j’étais le seul à être affligé de ce cancer. Toutes les réponses qu’on m’apportait ou que je me répétais devant mes doutes me coulaient sur le dos comme si j’étais un « vilain petit canard » qui ne pataugeait pas dans la bonne mare. Bref, j’étais tanné de traîner ce boulet. Il me ravinait l’âme.

Les cours de théologie avaient inondé mon intelligence de lumières. La Révélation, quelle merveille ! La Bible, quels trésors de vie ! L’évolution de l’image du Messie et de son attente, du pays où coulent le lait et le miel jusqu’aux chants du Serviteur de Yahvé, d’Isaïe, jusqu’au Sermon sur la montagne (Lc 6, 20-23), quelles expériences de la condition humaine et de la quête de Dieu!.(4)  Les Béatitudes, ramassées en huit lapidaires sentences, quelle poésie ! Quelle philosophie de vie ! Quelles recettes pour l’aventure humaine sur terre !

S’il faut une religion à l’homme, hors de tout doute c’est la chrétienne et catholique qui est la mieux adaptée à sa condition. Comparée aux autres systèmes religieux, la foi chrétienne est une merveille de cohérence et de raffinements. La quintessence de l’humanisme le plus achevé. Avant la venue de Jésus, avant et après la longue et laborieuse expérience de l’Alliance dans le désert du Sinaï, aucune religion n’a saisi avec autant de netteté que le sommet de l’expérience humaine, l’aboutissement de sa quête de bonheur et d’absolu se trouvait dans la relation amoureuse et libre dont le Cantique des Cantiques marque la fin ultime.

Le bouddhisme, qui peut compter autant de sages et de saints que le christianisme, limite la destinée de l’homme à lui-même dans le contrôle de ses espoirs et de ses désirs. Pour moi le problème ne se situait pas au niveau du choix de sa religion. Une autre mare pour le « vilain petit canard »? Non, mais cette mare et toutes les mares de cet acabit n’étaient-elles qu’un mirage qui ne pouvait recéler que des os desséchés de toute promesse de vie, de toute prophétie ? (Ez 37, 1-…11)

Cet appareil merveilleux qu’est la religion chrétienne est-il branché à Dieu ou n’est-il qu’un décor de l’esprit, cette présence de Dieu dans l’histoire des hommes, une illusion qu’on se répète et qu’on engraisse comme une légende ou un ensemble de signes parlants et cohérents que je devrais, à la suite de tant d’autres, adopter comme une lunette qui donne à tout sa coloration particulière ? Étais-je un daltonien de Dieu ? Ne devrais-je pas « sortir de la garde-robe » et vivre selon ma vraie nature, mettre à nu ce mensonge permanent qui me rendait toute introspection pénible et dégoûtante ? Telle était mon obsession.

Je me sentais acculé au pied du mur, un combat à finir s’imposait. Il fallait y faire face. Ma vie, avec ou sans Dieu, rien de moins, « To be or not to be ». La foi, je l’aurai à l’arraché. Il faudra que ça passe ou que ça casse...

Rendu au mois de septembre, regrettant ma décision et doutant de son effet, je m’étais muni de quelques bons volumes, en me proposant d’occuper par la lecture les temps libres entre les rencontres communautaires -de rigueur ou de convenance-(conférences, pratiques de piété …), plutôt que les consacrer à la méditation des grands thèmes éculés proposés par le prédicateur de la retraite, répétiteur de saint Ignace.

J’en fis part à mon directeur spirituel, le Père Brosseau, s. j., qui était à la fois prédicateur de la retraite et aumônier à la maison généralice. Il m’avait déjà collé les épaules au sol en me disant que ma foi était « très ou trop volontariste ».

Cette fois, il m’a fait comprendre qu’il n’était pas très logique de s’inscrire à une cure et de la suivre selon ses propres méthodes et de participer, du haut de mes estrades, aux olympiades des autres. Invité à dîner chez un ami, il était plutôt malpoli de s’y présenter avec son lunch. Plein de bon sens ! Je décidai donc de suivre humblement le scénario proposé par saint Ignace et d’appliquer religieusement et à la lettre toutes ses suggestions. Ce sera ma discipline à moi dans ce tournoi. On verrait bien !

Veni Creator Spiritus, j’emporte en moi ces suppliantes résonnances jusque dans ma chambre. Elles seront le fond sonore qui soulignera de ses accents les péripéties du drame qui s’y déroulera, et seront les « cheerleaders » de mes joutes.

Première semaine - Principes et fondements

Méditation sur l’enfer

Qu’est-ce que je fais à deux heures de la nuit, prostré sur le parquet de terrazzo de ma chambre, ployant sous le gigantesque monstre de mon ombre que projette la flamme vacillante d’une faible chandelle allumée à mes côtés ?

Pendant la première semaine des Exercices, saint Ignace proposait qu’on se lève la nuit pour reprendre les médiations de la journée. Je crois que la nuit est « religiogène ». Même si la retraite était commencée depuis cinq jours, il me semblait, dans le silence de la nuit, entendre toujours les modulations du Veni Creator qui me transportaient comme dans la nacelle d’une montgolfière jusqu’à l’au-delà de tous les ciels peints ou imaginés, jusqu’au dieu sans visage, dans la profondeur de son mystère.

La nuit la plus merveilleuse de la liturgie chrétienne est sans conteste celle du Samedi saint où, dans les ténèbres, on célèbre et on implore la lumière qui, tremblotante comme la vie, perce progressivement l’obscurité selon le parcours des modulations grégoriennes chantées a cappella. Le sentiment religieux est ensorceleur. Saint Ignace, en complice de la nuit, se faisait grand prêtre et nous découpait le surnaturel avec une précision de druide, à grand coup de serpe et de retentissantes semonces.

Les Exercices de saint Ignace sont divisés en quatre semaines, séparées par une journée de congé.

La première semaine porte sur les Principes et fondements. Elle vise principalement à nous faire prendre conscience de notre condition de pécheur.

Le militaire fondateur des Jésuites poussait la précision jusqu’à indiquer pour chaque méditation les postures à prendre, les prières à répéter et les considérations à noter. Voici le compte-rendu de l’une de ces méditations nocturnes noté dans mon journal de bord de cette retraite.

Nous méditons sur le feu de l’enfer. Je me propose de faire la méditation de nuit. Comme je manque d’imagination, je me munis d’une chandelle. Mon objectif : me convaincre que des souffrances terribles m’attendent si je persiste à préférer mes voies à celles de Dieu. J’imagine à l’avance trois brûlures assez profondes, disposées en triangle en signe de profession de ma foi. Je me convaincs, à l’aide de textes scripturaires, que Dieu menace du feu éternel ceux qui se détournent de ses voies.

Je reconnais que mon attitude me dirige à l’opposé des voies de Dieu. Partout, ce sont mes normes, mes conceptions, même sur la sainteté, qui me dirigent, même dans ce que j’appelle la spiritualité. C’est une attitude qui aboutit d’ailleurs au doute effroyable sur l’existence de Dieu qui me hante. ‘Tout ce que mon filet ne prend pas n’est pas poisson’ ai-je décidé. Et mon filet ne cueille que les succès tangibles. Il faudrait, pour qu’ils soient vrais, que Dieu et le surnaturel épousent mes voies.

Après cette inquisition en règle, c’est la condamnation. La condamnation au feu. C’est là que te conduisent tes grossières spéculations. Et j’approche la flamme de ma jambe gauche. Les poils grésillent. Je maintiens quelques secondes. C’est intenable, je n’en peux plus, je retire la flamme et recueille mes idées. Ça n’a rien fait, je ne connais pas davantage l’enfer, il ne me fait pas plus peur.

Je recommence l’expérience sur le gras de la jambe droite avec la détermination de tenir jusqu’à ce que je cueille une décente impression de l’enfer. Le même phénomène se produit et après une fraction de seconde, j’ai tout lâché… et l’effet mental et global reste le même. Je tâche de prier. Je demande à Dieu de me faire connaître vraiment la malice de mes voies. Les bras gauche et droit sont tour à tour cobayes pour la même expérience avec exactement le même résultat.

Finalement, tout en priant, je tâche de réfléchir avec ma tête. Qu’ai-je fait ? J’ai tenté Dieu. Je termine ma « méditation » en disant bien humblement : «Mon Dieu, je vous en supplie, faites-moi connaître d’une connaissance intime le feu de l’enfer et la malice de mes voies qui y mènent ».

Ce matin j’ai examiné les dégâts. Deux petites cloques au bras droit, une tache rouge à la jambe gauche, absolument rien de visible, si ce n’est un désert de poils au bras gauche et à la jambe droite. Malgré le conseil de saint Ignace, j’éclate de rire.

Deuxième semaine : Contemplation des mystères de la vie de Jésus

Pour cette semaine entièrement consacrée à la contemplation des mystères de la vie de Jésus, saint Ignace nous suggère de pratiquer le jeûne en autant que notre condition physique et nos supérieurs le permettent. Comme un esclave rompu à la soumission la plus totale, j’obtiens cette autorisation et j’embraye sur le jeûne des grandes causes, celui d’un Gandhi axé sur l’azimut des grandes libérations.

Comme je suis logé à titre de visiteur à la table du Maître des novices, je suis servi comme dans un grand restaurant par un ou deux grands-novices plus âgés que moi, assignés au service de la table du maître.

Dans le grand silence ponctué par la lecture monocorde d’un texte agencé à la couleur du jour des Exercices et le bruit assourdi de la vaisselle, d’un simple signe de tête je dis non à tous les mets qu’on me présente. Avec une humilité ostentatoire, je défie dans ma tête tous les jugements que mon jeûne peut provoquer tant chez mes « serviteurs » que chez les autres convives de ma table. Le café, le thé, le vin, la pasta et les desserts sont à chaque présentation retournés par cette simple oscillation de la tête. La force du silence qui coupe à sa racine tout questionnement, toute remarque désobligeante, toute suggestion « utile », tout signe même d’un désaccord ou d’une surprise interrogative accrochés à la commissure des lèvres. Le sentiment de puissance des grands dominateurs. Dans ma tête, je trône aux yeux des autres comme un mystère, une énigme qui impose le respect, Le respect sans voix du silence forcé.

Je ne prends qu’un verre d’eau accompagné par principe (mange au moins quelque chose!) de la plus mince tranche de pain qui soit. Au pain et à l’eau, comme les forçats.

Entre les repas je soupèse, à la manière de qui serait inscrit à un programme d’amaigrissement, les effets de tous ordres de mon jeûne. Jamais, pendant les quinze jours qu’il a duré, je n’ai ressenti la moindre faim ni le goût de m’empiffrer de confitures ou de crème glacée ou de quoi que ce soit. Je n’ai pas non plus noté le moindre signe d’hallucinations, même pendant mes méditations nocturnes. La froide rigueur et la sécheresse intouchable d’un barreau de chaise bien en place. L’esprit était plus léger, m’a-t-il semblé, et les émotions au point zéro.

Je vivais un « high », le « high» d’un barreau de chaise, celui du vide, un avant-goût du nirvana..

Les jours de congé, entre chacune des semaines-thèmes, sont souvent occupés par des activités spéciales, (messe dans les catacombes, visite de Rome et de ses basiliques, visite aux autres étudiants à Jesus Magister déjà en poste à Via del Mascherone, etc.).

Alors, la normale non touchée par cette cure reprenait ses façades et ses mimiques routinières de base: mêmes pensées, mêmes attitudes, même jeu de cache-cache de ses sentiments profonds, même monotonie des rites de prière jamais abolis. Cependant je me sentais comme en visite dans ce monde, un étranger que les agirs de façade et de coutume des autres ennuyaient.

J’avais hâte de revenir dans mon antre pour y disséquer avec la rigueur du chirurgien, sous la froideur du bistouri, mes mystères et ceux de la vie de Jésus.

Bethléem, le dénuement de Jésus, l’odeur de l’étable, du bœuf et de l’âne, même les anges qui chantent dans nos campagnes me touchaient peu. J’étais plus fasciné par le mystère de l’Incarnation en soi, le mystère de la vie dans la matière, dans la chair. Jésus, une entrée en matière pour un mystère plus profond, mon propre mystère, celui de mon être, de ma vie, de mon identité. Saint Ignace a dû se tourner dans sa tombe ! Au lieu de contempler Jésus pour m’y associer avec ferveur, j’utilisais ces outils et me servais de Dieu pour me modeler à l’image d’un clone idéalisé de moi-même.

Il en fut de même du mystère de la rédemption. J’avais depuis un certain temps comme classé dans la catégorie des films d’horreur les présentations sanguinolentes de Jésus, sa couronne d’épines, les gros plans sur les clous qui perçaient ses mains, et l’éponge qui par dérision tentait d’étancher sa soif. C’est le péché qui me questionnait, la rédemption du monde par l’offrande du sang du fils à son père, le sens de la souffrance, la mort et l’après-mort.

Quelle est la mort et l’après-mort pour celui qui, dans la vérité de sa conscience d’être, se constatait en dehors du giron de Dieu ?
Je transformais la contemplation du don de Dieu en une égoïste et mesquine réflexion philosophique sur le non sens de ma vie. Je commettais, avec les meilleures intentions du monde, un pernicieux sacrilège, celui de jeter des hosties consacrées aux pourceaux. Le blasphème de m’ériger en juge des desseins de Dieu, en maître devant Dieu de ma destinée au mépris de ses dons. Dieu-Jésus, un objet, miroir de mes mystères. Je creusais ma tombe…

À la rapidité de l’éclair, il m’a semblé que jamais la lumière ne pénétrerait le fond de mon antre d’obscurité. Je m’y enfonçais. Et cependant, cet exercice me réconfortait.

À la fin de la deuxième semaine j’en étais là, un funambule tout accaparé par la forme et l’élégance à donner aux exercices d’entraînement dessinés par saint Ignace, à peine conscient de la menace de déséquilibre entre deux abîmes, Moi et Dieu.

En dépit de tous mes efforts, je demeurais le même. Contrairement au serpent, aorès les sept ans révolus, je ne parvenais pas à changer de peau, je demeurais un rationnel invétéré, tourné vers soi, aveugle devant l’Autre, absolument inapte à poser le geste primordial d’abandon requis pour ma survie spirituelle.

Il me fallait prendre de l’air, sortir de mon antre, j’y tournais en rond.

Troisième semaine La confession générale


23 septembre – Jour 20 des Exercices

Je sors du confessionnal en larmes. Selon la recommandation de saint Ignace, je venais d’y faire une confession générale. Je ne pouvais contenir ma souffrance. Toutes les barrières de la pudeur naturelle étaient tombées. On a certainement dû s’en rendre compte dans la chapelle, mais personne n’y a jamais fait référence.

Qu’est-ce qui m’avait amené à cet état de délabrement ? Mon journal personnel est peu loquace sur mes cheminements de la troisième semaine. Il ne fait que signaler le fait brut dont je me souviens comme si c’était hier, et du décor d’émotions qui l’encadrait.

Il est certain que la rigueur de mon jeûne et un manque de sommeil dû à mes méditations nocturnes n’étaient pas étrangers à cette sensibilité hors de l’ordinaire.
  
Après nous avoir invités à contempler les mystères d’un Dieu incarné pour nous sauver de nos péchés, saint Ignace nous conviait pendant la troisième semaine, à nous insérer dans ces mystères en méditant sur notre état de pécheur.
Il ne s’agissait pas tellement de réviser la liste de nos péchés accumulés ni d’en faire l’autopsie posthume, mais d’examiner notre état ou notre attitude chronique de pécheur. Somme toute, d’examiner les dégâts concrets que le péché originel avait produits en nous.

Je n’avais jamais été très impressionné par le dogme du péché originel, du moins dans sa version fabuleuse et enfantine : nos premiers parents chassés du paradis de vie et leur descendance condamnée à souffrir et à mourir à cause d’un serpent retors qui les avait incités à une désobéissance de gourmandise ! Une couleuvre qui avait du mal à passer.

Je l’ai enseigné, quand il le fallait, du bout des lèvres, sans m’appesantir sur les détails entourant ce péché : la pomme, la nudité découverte, le serpent, l’épée de feu qui gardait le jardin… Je le présentais surtout comme un récit qui exprimait la conception qu’on se faisait alors de la majesté de Dieu, de la petitesse de l’homme et de son incapacité naturelle à réaliser par lui-même ses rêves de survie et de bonheur.

Plus tard, j’ai été surpris d’apprendre que la principale raison des réticences de l’Église devant le polygénisme (hypothèse sur l’origine de l’homme soutenue par certains anthropologues) venait principalement de son incompatibilité avec le dogme du péché originel déjà statué. (Pie XII, Lettre "Humani Generis). Au lieu de me livrer à une méditation sur cette vérité théologique, suivant mon guide saint Ignace, je portai plutôt mon attention sur mon propre péché originel, sur mes attitudes envers Dieu et leurs conséquences dans le déroulement de mon existence.

De mon enfance, j’ai bien revu avec plaisir, le plaisir de celui qui, adulte, retrouve dans son grenier les jouets qui l’ont fasciné, les quelques temps de grâce que j’avais connus avant mon entrée au Juvénat. J’ai revu avec joie sur un fond de mer étale, bleutée comme l’azur, les trois îlots qui avaient été mes paradis terrestres, des lieux et des moments où Dieu s’était fait tout proche, venant causer avec moi comme dans le Paradis de nos grands parents, Adam et Ève : le Cap-de-la-Madeleine, le Chemin de la croix en haut de l’escalier un Vendredi saint aux routes défoncées et l’image de ma mère priant devant le Saint-Sacrement.

Le reste de mes rencontres avec Dieu que le calendrier apportait avec ceux de la culture ambiante, une répétition sans grande portée de rites quotidiens. Ces rites commandaient les mêmes gestes et les mêmes attitudes de soumission robotique : la traite des vaches, le chapelet en famille, la tuerie du cochon, carême et Pâques, le premier vendredi du mois, la messe du dimanche…, une même mécanique qui n’eut guère d’impact sur ma quête de Dieu. Leurs souvenirs furent emportés  par le temps dans ses oubliettes.

Ma longue quête infructueuse du saint Graal avait débuté avec mon entrée au Juvénat. Comme les Juifs dans le désert, j’avais emporté avec moi quelques idoles et je me suis fabriqué mes propres veaux d’or : la Beatissima Trinitas, une poupée-icône que j’ai dorlotée et habillée de mes propres rêves, les fêtes de Noël, de Pâques ou du Sacré-Cœur, qu’on m’avait appris à enguirlander comme les Juifs l’avaient fait autrefois avec leur veau d’or….

Dans ma démarche intérieure, mon journal révèle à chaque récollection, à chaque retraite, une longue suite répétitive de résolutions non tenues, de formules magiques et de sacrifices dont la fumée n’a jamais levé plus haut que le ciel de mon nombrilisme. Il fait aussi état des incantations à répétition aux grandes enchères d’indulgences qui ne m’ont donné avec Dieu que des rendez-vous manqués. Bref, une tentative répétée d’acheter avec des signes sacrés les eldorados de ma destinée.

Les quelques oasis : les retraites annuelles, quelques correspondances ou entrevues avec mon directeur spirituel, le frère Cyprien, une panoplie de succédanés du divin qui renforçaient ma détermination à poursuivre ma route, coûte que coûte. Entêtement et harcèlement de brute face au divin. La lutte de Jacob contre l’Ange, les héroïques combats de Gilgamesh, la recherche tous azimuts du saint Graal, et plus proche de nous, la ruée vers l’or. Je voulais enregistrer Dieu sur mes cassettes, le mettre au service de ma personnalité toujours déçue de ses reflets. Savoir que j’étais fils de Dieu ne me suffisait pas. En enfant gâté, il aurait fallu à tous les jours que des mages viennent de l’Orient m’offrir leurs présents et m’encenser.

Le péché d’orgueil, le même qui entraîna la chute de Lucifer. Le même sacrilège que celui qu’ont commis avec inconscience et suffisance quelques grands de ce monde y incluant bien des ecclésiastiques qui ont érigé leur trône sur la tombe du Serviteur de Yahvé pauvre et dénudé, sans communier à son âme, mettant sous le boisseau les faisceaux de lumière émanant de sa radieuse résurrection.

On n’emprisonne pas plus Dieu qu’on loge la mer dans une écale de noix. Au lieu d’attendre Dieu qui venait, je l’ai défié, au lieu de l’accueillir présent, je l’appelais importunément, et au lieu de le contempler, je le façonnais avec les dépouilles de mon être.
 
Toutes ces fautes prenaient racine dans le même terreau, celui d’une ambition désordonnée et autosuffisante, la même qui avait nourri les architectes de la tour de Babel.

Je sortis de cette méditation dans un état de délabrement tel que je n’en avais jamais connu. L’annonce d’un cancer sans rémission ne m’aurait pas davantage consterné. Tous mes horizons étaient fermés. Job sur son tas de fumier implorant la venue du Rédempteur.

Quatrième semaine L’illumination


Je suis revenu de ma confession générale la tête basse, n’osant plus regarder personne. Le congé qui suivit me permit de couvrir mes états d’âme de mon vieux masque et de reprendre la routine de mes mimiques habituelles. Un temps d’arrêt après la démolition et avant la reconstruction.

La quatrième semaine nous engageait à « participer à l'expérience de la joie de Jésus Ressuscité ».

Je revins à mon antre après la présentation des visées de cette dernière étape, Au lieu de me mettre à genoux, de me coller le front par terre, j’ouvris les volets de la fenêtre qui donnait sur l’entrée de la Maison généralice, je m’appuyai les deux coudes sur le rebord de la fenêtre, et les yeux branchés en périscope, je fis un tour d’horizon à cent quatre-vingt degrés, un guet attentif pour le retour de la colombe tenant en son bec le rameau d’olivier signe d’une vie nouvelle.

Cette colombe, je la vis surgir sous la forme de colibris qui de leur fine trompe aspiraient la vie offerte par un bouquet de fleurs multicolores. Leur élégance accrocha un subtil sourire à mes lèvres. Puis ce furent les oiseaux, branchés sur le mur d’enceinte de la Casa, joyeux comme des enfants devant qui on fait circuler des friandises convoitées.

Une voiture pleine de frères visiteurs revenant éblouis de leur première virée dans la Ville éternelle.

Au loin, des sons d’une harmonie céleste provenaient des femmes qui cueillaient en chantant les si savoureux pomodori (tomates) italiens.

Puis j’allai me promener dans le parc où la vie orchestrait ses vibrantes sonorités. Mes yeux, munis de nouvelles lunettes la percevaient partout comme la troisième dimension d’un film tourné en cinémascope.

Au repas qui suivit, mon signe de tête à la verticale informa mes serveurs que je revenais à la vie. Lentement, avec l’attention intérieure d’un gourmet, je savourais chaque plat. La parole de Jésus : « L’homme ne vit pas seulement de pain » ne prenait plus l’austère saveur du jeûne mais celle d’une exquise délectation de la vie.

Plusieurs années plus tard, un matin, sur le mont Sinaï,(5) je vis le soleil renouveler la création du monde, accrocher un à un des nuages dans le ciel sombre, ériger partout ses rochers de l’Horeb, les colorier d’ocre et de rouge, animer ce paysage à marionnettes du furtif passage d’oiseaux affairés à répéter à travers le monde le message de la colombe à la branche d’olivier. De discrets lézards glissaient sur les roches froides à la recherche de la meilleure place au soleil. La foule qui, muette et invisible, anonyme et grise, s’était accumulée la nuit sur les pentes froides et acérées des plus hauts sommets de la montagne, s’alluma petit à petit de teintes multicolores qui dessinaient des sentiers à travers la montage. Des visages de tous âges et de toutes races encapuchonnés comme des pèlerins redescendaient la montagne sacrée, porteurs du viatique d’une vie qui reprenait chaque matin avec le jour et par le jour.

Ainsi, ma renaissance à la vie reprenait comme par instinct les sentiers de la création du monde.

Bientôt, par la vertu de je ne sais quelle lunette programmée sur une quatrième dimension, j’allais percevoir une discrète présence au sein de cette vie que chaque jour régénérait sur notre planète. Elle m’apparut lentement, suite au maniement d’un mystérieux « zoom » qui savait la débusquer dans ses moindres replis, comme si elle avait toujours été là, .

Je connaissais assez bien tous les textes des Évangiles qui rapportaient les multiples prises de conscience de la présence de Jésus ressuscité après sa descente aux enfers de la mort.

Suite aux cours de Jesus Magister, mes réflexions m’avaient convaincu que la résurrection de Jésus n’était pas un fait historique vérifiable à la façon des événements qui marquent l’histoire humaine. C’est la foi qui a inscrit cet important événement dans la lignée des hauts faits de l’humanité, pas les paramètres de la science de l’histoire. Soumettre le fait de la résurrection à la rigueur de la science, c’est lui siphonner son âme. En termes simples et modernes, j’étais certain qu’une caméra cachée dans le tombeau de Jésus n’aurait pas enregistré sa résurrection ni sa sortie du tombeau.

Limiter la résurrection à un acte de la puissance divine qui démontrait hors de tout doute la supériorité de la religion chrétienne sur toutes les autres religions m’apparaissait comme servir un café décaféiné libéré de toutes ses vertus et de toutes ses saveurs. J’avais appris aussi, nos discussions de Café Culturel en faisaient foi, que les retombées de la résurrection de Jésus ne se cueillaient pas seulement sous forme d’une manne après la mort comme une récompense pour le fidèle accomplissement de nos devoirs de chrétiens.

Le baptême nous avait plongés -comme l’exprimaient les anciens rites- dans le tombeau de Jésus pour nous revêtir de la robe nuptiale, le lustre de la résurrection de Jésus.

Je savais tout cela, mais c’était un savoir compartimenté coupé de la vie spirituelle, Un paysan qui continuait les exténuants labours d’automne avec ses bœufs, alors qu’un tracteur tout neuf dormait dans sa remise.

Au lieu de ressasser les données théologiques apprises et de m’en reconvaincre, des expressions comme le « sperabamus » des disciples d’Emmaüs, le récit de la visite des saintes femmes au tombeau, celui des apparitions aux disciples réunis, etc. me permirent de voir la résurrection comme une présence, pas celle d’un Jésus rayonnant et maquillé pour cette parousie comme le présentent les images saintes, mais une présence discrète au cœur de la fébrilité humaine : au cœur des attentes de Marie-Madeleine, dans le nœud des déceptions des disciples, de la fébrilité de Pierre, des défis de Thomas… Puis, la conséquence logique de cette vision m’est apparue comme écrite en lettres de feu sur le ciel de l’ascension lorsque une nuée vint soustraire Jésus aux regards de ses disciples et que deux anges sans ailes leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? » (Actes 1, 9-11). C’est sur la terre que Jésus est présent. Son incarnation ne se terminait pas à sa mort, elle prolongeait jusqu’à nous l’énergie de sa résurrection.

Ce fut la clé que je m’appliquai à introduire dans toutes les barrures de l’existence humaine, celle des petits et des grands, des gueux et des ignorants, celles aussi du bien et du mal, de la naissance et de la mort, du temps et de l’éternité.

Toute étincelle d’amour entre les humains, quelle que soit l’étiquette qu’on apposait sur eux, qu’ils soient arabes, mécréants, voleurs, prostitués, toute étincelle d’amour signait au quotidien, à répétition, la présence de Jésus ressuscité et fondait toutes les espérances quant à la survie de notre humanité.
Je passai le reste de la retraite comme accroché à un nuage avec ma loupe-télescope à quatre dimensions. Je m’entraînais à son maniement, à l’affinement de mon regard sur tout être. Mes nouvelles lectures du monde fondaient de toutes nouvelles interprétations et de mon histoire et de celle de l’univers, elles dessinaient de nouveaux scénarios d’engagement apostolique et justifiaient les espoirs les plus fous. J’étais conquis me semble-t-il, à jamais, illuminé d’une lumière qu’on ne peut mettre sous le boisseau.

Veni Creator Spiritus – Viens Esprit créateur
Imple superna gratia – Remplis de ta présence
Quae tu creasti pectora – les cœurs de tes enfants.



Un clic sur l'image pour entendre une autre version de l'hymne Veni Creator

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(1) La plus belle hymne de la liturgie chrétienne. Elle fut composée par Raban Maure au IXe siècle et est normalement associée à l'Église catholique romaine.- Pour en savoir plus et pour le texte en latin et en français, cf. Wilkipedia

(2) Cantique de John Littleton qui figurait souvent au programme des chants lors des professions religieuses. Un cantique prière qui marque la disponibilité d’accueil des consacrés aux dons divins.

(3) Le frère Josaphat fut le premier frère québécois qui fut élu supérieur général de l’Institut. Il transféra à Rome la maison généralice située à Paradis en France. Il y installa le Grand-Noviciat. Sous son impulsion, l’Institut connut aussi une formidable expansion missionnaire. Cf. Les Frères du Sacré-Coeur au Canada de Jean-Claude Éthier S. C.

(4) L'attente du Messie et la réalisation des promesses qui l'accompagnait s'est épurée au cours de l'histoire du peuple de Dieu. Du Messie Roi triomphateur on en est venu à attendre le Serviteur de Yahvé, pauvre et accablé d'opprobres; le lait et le miel de la terre promise sont devenus le "Bienheureux les pauvres " du Sermon sur la montagne.
(5) Lors d’un voyage en Égypte, j’eus la « curiosité touristique » d’aller assister au lever de Galarneau du haut des pentes du Sinaï. Je fus marqué alors par la forte impression d’avoir assisté à la création du monde.

La retraite avait enlevé mes cataractes, c’est le même regard sur le monde et sur la vie que j'ai connu à la quatrième semaine des Exercices spirituels de saint Ignace.
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La chronique à Jean-Claude

Jean-Claude, mon ami de toujours et frère en religion, membre émérite du groupe des pionniers de Jesus Magister (1958-61) et baptisé par nous du nom de Nabi (prophète), a accepté de dresser en fond de scène des Mémoires, une chronique qui relate année par année, de 1957 à 1970) l’évolution des Frères du Sacré-Cœur répartis au Canada en sept provinces communautaires, dont six sont situées au Québec.

Frère Jean-Claude Éthier S. C. réside à Arthabaska (aujourd’hui Victoriaville), lieu de la première maison fondée par les Frères du Sacré-Cœur au Canada en 1872 et siège administratif de l’unique province qui depuis 2002 regroupe tous les Frères du Sacré-Cœur en terre canadienne.

Il y a six ans, en octobre 2004, Frère Éthier publiait « Les Frères du Sacré-Coeur – Leur apostolat au Canada (1900-2004). Le Frère Éthier connaît bien la petite et la grande histoire de l’Institut. Il fut délégué de sa province (Ottawa) aux deux chapitres généraux qui ont procédé à une importante révision post-conciliaire des Règles et Constitutions de la communauté. Pendant six ans, il fut supérieur provincial de sa province et du district des Philippines. Par la suite, il a participé à la fusion des provinces canadiennes et, en tant que secrétaire, aux tâches de la relève institutionnelle ainsi qu’au processus de disposition des établissements qui appartenaient à la communauté.

Il se dépensa pendant neuf ans comme directeur provincial de l’éducation chrétienne (secteur francophone) pour l’Assemblée des Évêques de l’Ontario et, à partir des années 1990, pendant neuf autres années, comme coordonnateur national de l’éducation chrétienne (secteur francophone) pour la Conférence des Évêques catholiques du Canada.

Toujours actif, frère Jean-Claude sert sa communauté comme secrétaire adjoint de l’administration provinciale. Depuis neuf ans, il publie Le Lien, un bulletin hebdomadaire adressé aux membres de sa communauté. En outre, il accomplit pour sa communauté de multiples tâches de traduction et de rédaction.

La chronique à Jean-Claude fait ressortir les principaux changements survenus dans la vie des membres de la communauté de 1957 à 1970 et relève les données statistiques qui marquent l’évolution des effectifs de la communauté pendant cette période.

Sa vie, elle est résumée à la toute dernière phrase de son livre :

Éducateur de la foi, une vocation à ne pas plaquer, sûrement une route à prendre.

Jean-Claude, nous te répétons : « Ad multos et faustissimos annos ! comme on disait dans le temps.
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Voici la première tranche des chroniques à Jean-Claude :

CHRONIQUE
1958-1971
PRÉLIMINAIRES

Pour rédiger cette chronique, j’ai consulté L’ANNUAIRE DE L’INSTITUT des Frères du Sacré-Cœur. C’en est la source unique. Le numéro indiqué y réfère donc. Cet ouvrage est publié depuis la fin des années 1940 à la Maison générale de Rome, Italie.

Le champ de ma recherche s’est limité aux provinces communautaires canadiennes qui, pour la période 1958-1971, étaient au nombre de sept : les provinces d’Arthabaska, de Granby, de Montréal, de Québec, de Rimouski, de Sherbrooke et d’Ottawa.

Les aspects que j’ai retenus et qui ont constitué ce que j’appellerais la «grille» de mon étude sont :

- les effectifs 
- la formation et les études
- l’ouverture de maisons
- la fermeture de maisons
- les missions
- les œuvres
- les événements
- la législation fondamentale
- les initiatives nouvelles
Je crois que l’exploration, même sommaire, de la période 1958-1970 peut jeter un bon éclairage sur la manière dont les frères ont tenté de faire face aux enjeux des «temps nouveaux», aux bouleversements qu’apporta la révolution tranquille dans les domaines traditionnels de la mission, de la vie fraternelle et communautaire, de l’exercice de l’autorité et de la vision spirituelle.

Jean-Claude Éthier, S.C.

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ANNUAIRE 1957-1958
N° 52
Un événement important


Le chapitre général qui s’est déroulé du 21 septembre au 6 octobre 1958 a donné lieu à un rapport sur l’état de l’institut dans lequel on signalait ce qui ressortait comme points majeurs au cours des six dernières années qui venaient de s’écouler (1952-1958);
- l’institut est passé de 11 à 15 provinces
- le nombre de frères est passé de 2428 à 2745
- il y eut ouverture d’œuvres dans cinq pays : Cameroun, Pays-Bas, Nouvelle-Calédonie, Côte d’Ivoire, Philippines
- les frères s’orientent davantage vers les écoles secondaires
- la formation des jeunes, de la relève, est significativement prolongée
- allonger la formation des jeunes a un impact important sur le nombre de frères que les supérieurs peuvent affecter aux écoles mêmes
- on peut constater une poussée vers les études supérieures chez les frères; un institut d’études supérieures en sciences religieuses vient d’être mis sur pied : Jesus Magister
- il y a de plus en plus de collaboration entre les provinces dans le domaine des études des jeunes en formation
- le frère Josaphat est élu supérieur général pour un deuxième mandat

Dans les SEPT provinces canadiennes
- la télévision fait son entrée dans les maisons
- les juvénistes jouissent maintenant de trois semaines de vacances dans leur famille
- il y a fermeture de neuf postes au Québec et en Saskatchewan

Statistiques des sept provinces canadiennes :

- 1423 profès
- 59 novices
- 912 juvénistes
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- ANNUAIRE 1958-1959
N° 53

Dans la chronique de la province communautaire d’Arthabaska, on signale qu’il y a 119 frères qui se dévouent dans les écoles, alors qu’il y en a 92 qui sont affectés à des fonctions soit dans l’administration, soit dans la formation de jeunes aspirants, ou encore à des services communautaires; également, il y a ceux qui sont aux études ou à la retraite. C’est très significatif.

Dans la province de Montréal, signe de changement de cap, les frères travaillent dans 11 écoles secondaires et 14 écoles élémentaires.

On redouble d’efforts pour recruter des jeunes du palier secondaire.

Les milieux de formation (juvénat, noviciat, scolasticat) ne sont plus aussi étanches qu’autrefois où chaque province canadienne avait sa propre organisation; on fait preuve de souplesse, de collaboration en tenant compte du personnel en place, du programme d’étude. Les jeunes au cours du cycle : juvénat, noviciat et scolasticat (autrefois en succession au même endroit) sont souvent appelés à se déplacer, non plus d’un quartier à l’autre dans une même maison, mais dans un milieu de formation, souvent en dehors de la province communautaire à laquelle ils appartiennent.

Il y eut huit fermetures de maisons.

Dans le domaine des missions, il faut ajouter la fondation aux Philippines (déjà prévue) et celle du Sénégal.

À la maison provinciale d’Arthabaska, on engage des laïcs pour le service de la cuisine.

Statistiques des sept provinces canadiennes :

- 1432 profès
- 51 novices
- 908 juvénistes

À suivre…

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Prochaine publication : # 27 - L'alternative



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