La Belle Lurette (1935)Citations de Henri Calet
Passant en revue mes souvenirs de St-Jovite, j’ai eu l’idée d’aller piquer une petite jase avec frère Jean-Luc Brissette qui y a enseigné de 1941 à 1946. Je m’arrête donc à Ste-Agathe où il demeure avec trois confrères : le frère Jean-Noël Marcoux, 94 ans, au deuxième rang dans l'ordre d'ancienneté des frères canadiens, qui a enseigné pendant cinquante-trois ans au Collège Sacré-Cœur de Ste-Agathe; frère Lucien Desrosiers, directeur, le plus jeune du groupe, qui a enseigné une trentaine d’années au Collège; frère Gilles Lafontaine, originaire de Ste-Agathe, il y est revenu après avoir passé la plus grande partie de sa carrière d’enseignant en Côte d’Ivoire en Afrique.
Depuis qu’ils ont laissé leur résidence au Collège, les frères occupent une maison toute simple située sur la rue Nantel, en face du Lac des Sables.
Sainte-Agathe a reçu ses premiers frères du Sacré-Coeur en 1903, un an après St-Jovite. Elle sera la dernière paroisse du nord de Montréal à les héberger. D’ici deux ans, en effet, la résidence de Ste-Agathe sera aussi fermée.
Frère Brissette y demeure depuis vingt-trois ans. À quatre-vingt-douze ans, il est le quinzième plus ancien frère du Sacré-Cœur de l’unique province du Canada. Encore alerte comme un jeune homme, il m’accueille avec une très grande cordialité. Quelques montres se retrouvent toujours sur son bureau. Il pratique encore en effet, comme hobby, le métier de bijoutier qui s’ajoute à plusieurs de ses autres titres.
Frère Jean-Luc a préparé à mon intention quelques numéros des Annuaires de l’Institut, ceux qui compilent la liste des obédiences de la province de Montréal pendant les années que j’ai passées dans le Nord. (1951-58)
Il me raconte l’histoire de Mgr. Mercure. Un ecclésiastique (encore au grand séminaire) qui, de connivence avec quelques prêtres du diocèse de St-Hyacinthe en situation de conflit avec leur évêque, quitte son diocèse pour joindre celui de Mont-Laurier. En 1932, l’abbé Rodolphe Mercure est nommé curé de St-Jovite, le quatrième depuis la fondation de la paroisse en 1879. Il assumera cette cure jusqu'à sa retraite en 1967.
Les premiers frères du Sacré-Cœur sont arrivés à St-Jovite en 1902. Ils étaient trois frères français. Après un an ou deux, ils ont été rappelés par leur supérieur provincial, frère Théodule, parce que leur logement était insalubre, « non convenable », disent les chroniques.
Trois frères québécois ont ouvert une nouvelle école à St-Jovite en 1931, frère Maxime, mon frère Maître au Juvénat, en était le premier directeur. Frère Jean-Luc y est venu au mois de janvier 1941. Au mois de mars de la même année, leur école passe au feu suite à la négligence d’un fumeur qui participait à une réunion du Conseil de Ville.
Les classes ont repris dans des locaux de fortune quelques jours après l’incendie. Frère Ildéric et ses 43 élèves occupaient un salon mortuaire alors qu'une autre classe était installée dans une ancienne écurie qui servait aussi à ferrer les chevaux. La classe du frère Jean-Luc termina l'année dans un local de la CIP. Les frères furent logés temporairement au presbytère qui comptait plus de seize pièces.
Frère Brissette, fin conteur, me raconte aussi quelques petites histoires savoureuses qui montrent comment à St-Jovite, les Frères étaient bien intégrés à la vie paroissiale.
Les obédiences du 15 août 1951 me catapultent à St-Jovite. J’y aurai la charge de la 7e année, celle des sports et de la JEC. Le personnel est composé de six frères: frère Louis-Adélard, dir., qui vient du Collège Roussin; il prendra la charge de la 8e et 9e années et de la chorale. Frère Ronald, de mon groupe de noviciat arrive de Gracefield. Il sera titulaire de la 6e année et prendra la direction du club des 4-H. Frère Jean-Bernard vient de l’école Meilleur; il sera titulaire de la 4e année et prendra la charge de la Croisade eucharistique. Frère Arthur, qui en est à sa deuxième année à St-Jovite, sera titulaire de la 2e année et adjoint aux sports.
Frère Olivain est depuis 1942 le pilier de Saint-Jovite. Il y enseigne aux élèves de la 5e année, est directeur des enfants de chœur et animateur de l’Amicale qu’il a fondée il y a déjà quelques années. L’accueil qui nous est fait est chaleureux, le site est enchanteur, la résidence, attenante à l’école est mignonne, et la renommée des frères des plus enviables. Un autre paradis sur terre chargé de promesses.
La troisième année, les frères Jean-Bernard, Arthur et Louis Adélard seront remplacés par les frères Gaston, dir, Romain et Pierre. Frère Ronald demeure en communauté le seul survivant des neuf frères qui ont enseigné à St-Jovite pendant ces trois années. Les frères Olivain et Gaston sont décédés en communauté et les autres sont retournés à la vie séculière, ce qui donne un taux de persévérance de 33,3%.
Immersion totale
À St-Jovite, l’enseignement était devenu pour moi une routine, comme une seconde nature. J’y étais à l’aise et ma classe bourdonnait d’activités comme une ruche bien organisée. Les enfants étaient bien suivis des parents que l’on rencontrait deux fois par année. Consolation suprême, pendant mes trois ans à St-Jovite, j’ai conduit trois jeunes au Juvénat de Granby et deux à celui de Chertsey. Deux d’entre eux ont cheminé jusqu’à la profession perpétuelle.
Tout allait rondement à l’école. C’est surtout par leur implication dans les activités parascolaires ou paroissiales que les frères ont fait leur marque à St-Jovite.
Le parascolaire
Faire aiguiser deux paires de patin pour cinq cennes
Le sous-sol de la résidence offrait un espace libre. Il fut vite aménagé en atelier par le frère Ronald et moi. Un dessus de banc d’école à deux places devient la table du banc de scie et celle du support pour l’affûteuse à patins. Grande nouveauté de l’heure, de chez Sears, une meule qui tourne à l’horizontale. Les patins sont aiguisés dans le sens de la lame et non à la verticale comme cela se faisait à l’école Meilleur et partout. Un aiguisage beaucoup plus doux et plus uniforme comme chez les professionnels.
On demandait cinq cennes la paire. Un prix d’aubaine! Et pour les enfants d’une même famille, cinq sous pour deux paires et dix sous pour trois. Même les filles du couvent venaient faire aiguiser leurs patins chez nous. En trois ans, nous avons certainement dû rentabiliser les coûts de la meule et du support qui l’accompagnait et probablement aussi celui du banc de scie.
Des coins de patinoire arrondis
C’était la tradition. Chaque automne, les frères montaient les bandes de la patinoire. Le clos de bois Forget & Fils [1] fournissait le bois, la ferronnerie Émile Meilleur fournissait la quincaillerie et le dernier samedi d’octobre, avec l’aide des plus âgés de l’école et de quelques anciens de l’Amicale on réparait les bandes et les équerres, on peinturait, on installait les poteaux et les luminaires. Tout devait être prêt avant les premières gelées.
Habituellement, chaque coin de la patinoire était fermé par une bande fixée à 45o degrés. Frère Ronald, en bricoleur expérimenté et astucieux, imagina des coins arrondis comme au Forum. Huit fers angle dont un côté était scié à tous les pouces et demi et l’autre côté fixé par des vis aux planches verticales de la bande. Quelques pieux plantés en terre et cette bande devenait arrondie en quart de cercle. Il fallait y penser et le faire. Cependant, remiser des bandes qui prenaient la forme d’un berceau était un peu plus mal commode.
On aménageait aussi les bancs des joueurs et les portes qui ouvraient vers l’extérieur de la patinoire. De vrais pros. On tissait même les filets des buts de hockey.
Se rendre capable de tout
C’était l’une des règles de vie proposées aux frères dans les Règles et Constitutions, version ancienne. Je l’avais noté dans mon plan de vie. Que de choses nous avons faites à St-Jovite !
À l’automne de 1952, il y eut à l’école un conventum qui réunissait les amicalistes des provinces de Granby et de Montréal. La manécanterie de Granby, dirigée par le frère Julien, devait y donner un concert. Pour les recevoir convenablement, il fallait refaire la devanture du théâtre. Je me revois en compagnie de M. Alcide Forget, un notable de la place à la retraite, qui était venu à l’école en Cadillac pour m’aider à prendre les mesures de bois et de panneaux nécessaires pour en recouvrir les murs. Frère Ronald et moi étions novices dans ce métier. Ce fut « pas pire » ! comme on nous a dit alors. Assez bien pour nous mériter les louanges de la galerie.
Chaque année, l'Amicale de St-Jovite montait aussi une pièce de théâtre qu’ils allaient jouer dans les paroisses environnantes. Il fallait des coulisses mobiles. Frère Ronald bâtit les six panneaux que comportait le décor et les recouvrit de toiles de coton sur lesquelles je peignis un paysage champêtre d’été.
À la deuxième année de ma présence à St-Jovite, l’Amicale avait équipé un centre de ski dont la remontée était assurée par un câble comme ceux que fabriquait mon père Lucien. Le câble était recouvert d’arcanson afin d’assurer une meilleure prise. On le tenait à deux mains et, par temps doux, il dégoulinait de partout en tachant de saletés grises nos soutanes de « flying robes» [2]. Il fallait baptiser ce centre et en dessiner un panneau publicitaire. J’avais repéré sur une carte postale le dessin d’un pingouin en ski, plus facile à peindre qu’un castor, sur un panneau de huit pieds. St-Jovite annonça donc son Mont-Pingouin en même temps et avec autant de fierté que Ste-Agathe attirait sa clientèle avec son Mont-Castor. J’en éprouvai une grande fierté, quoique un peu moindre quand même que celle que m’avait procurée au Noviciat, mon premier tableau de Noël sur alabastine.
Jardiner
Notre ménagère nous était entièrement dévouée. Elle nous traitait comme ses enfants. Elle nous cuisinait d’excellents mets surprise, et devinait même les goûts de chacun qu’elle se plaisait à satisfaire. À Noël, elle faisait à chacun des cadeaux qui témoignaient de son bon goût et surtout de sa grande générosité.
Par la suite, le frère Directeur alla souvent avec elle entretenir ce jardin qui nous a fourni de bonnes provisions de patates, de tomates, de carottes et de petits pois que nous avons mis en conserves. C’était ainsi, simple comme bonjour, aurait dit ma mère. Personne ne passait de remarques. Temps d’innocence comme autrefois dans le premier jardin entre le Tigre et l’Euphrate.
Le Club des 4-H
Frère Ronald hérita du Club des 4-H. Avec le club, venait son père spirituel, M. Fortier, chargé par la CIP de l’aménagement forestier de la région. Et avec M. Fortier, en prime, il y avait aussi son « pick up » qui servait à transporter les membres du club ainsi que tout le gréement nécessaire à leurs activités en forêt et souvent aussi à répondre à certains besoins de transport de la communauté. Dans ce temps-là, seul le frère provincial avait son automobile avec chauffeur.
Tous les samedis ou presque, une vingtaine de jeunes arrivaient à l’école et en repartaient pour passer la journée en forêt. Le club des 4-H faisait la fierté de St-Jovite, plus même que la JEC qui, elle, avait les bénédictions du clergé. Les quatre « H » correspondaient aux quatre vertus que les membres du club s’engageaient à observer en tout temps: HONNEUR dans les actes, HONNETETÉ dans les moyens, HABILETÉ dans le travail et HUMANITÉ dans la conduite.
Sous la recommandation de Mgr. Mercure, le club des 4-H de St-Jovite a été fondé dès 1942 par nul autre que le frère Jean-Luc, guide de mes souvenirs à St-Jovite.
VOIR-JUGER-AGIR. Quel merveilleux programme d’éducation humaine et chrétienne. Toutes les autorités religieuses recommandaient chaudement la formation d’équipes de JEC. Il y en avait dans toutes les écoles. J’en fus chargé à St-Jovite. C’était la solution que l’Église avait trouvée pour faire échec aux cellules ouvrières communistes. Merveilleuse trouvaille qui, conjuguée à beaucoup d’autres facteurs, a dû contribuer à la transformation de la pensée et de la présence de l'Église qui a marqué la fin du XXe siècle au Québec et dans tout le monde occidental.
Cependant, en 1950, dans une école primaire ou tout prêchait la soumission à Dieu et à toute autorité, l’effacement de soi, le sacrifice, l’importance des pratiques religieuses à effets de salut automatique, le mot d’ordre de l’action catholique résonnait comme trompette dans une assemblée de sourds.
Les thèmes et les programmes d’activités que nous proposait la centrale étaient des abstractions, du pelletage de nuages. De plus, on était lancé dans le feu de cette action catholique sans aucune préparation. Il y avait bien pendant les vacances quelques rencontres d’une journée ou deux de formation des responsables de JEC. Je me souviens de Gérard Pelletier qui est venu un après-midi au camp des Frères des Écoles chrétiennes à Val-Morin, les manches de chemise relevées, à l’allure et au langage de faux ouvrier, nous parler de l’ACTION CATHOLIQUE, celle qu’on implantait en milieu universitaire ou ouvrier. Je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir tiré beaucoup de bénéfices de ces rencontres de formation intercommunautaires. Des assemblées de Chinois qui s’efforcent de s’apprendre une culture que personne ne connaît vraiment.
Initier des jeunes de treize ans des années 50 à l'action catholique c'était comme tenter de leur apprendre à nager à contre-courant. Les mots d'ordre et les programmes qui incitaient à transformer le milieu, à agir sur le semblable à se libérer des contraintes, à penser par soi-même me sont toujours apparues en porte-à-faux pour ne pas dire en opposition avec l'éducation qui était alors donnée à ces jeunes.
Nous avons dû couler dans nos moules bien conformistes les programme suggérés par la centrale de la JEC. Nous avons agi sans voir, au lieu de juger, nous avons répété les jugements des autres et notre action s'exerçait dans le champ des bonnes habitudes à acquérir. Sous le nom de l’action catholique, on servait notre bonne vieille soupe, assaisonnée de nos valeurs traditionnelles.
Pendant la semaine de la JEC, l’école était pavoisée d’ACTION CATHOLIQUE et l’horaire un peu bouleversé par les activités que proposait la Centrale. Ainsi, après la récréation du vendredi après-midi, il n’y avait plus de classe. Chaque classe avait préparé un jeu, ou une saynète suggérée par Réginald Boisvert dans les cahiers de l’Action catholique. C’était agréable et amusant. Les élèves qui tenaient dans ces saynètes le rôle de personnages bizarres et symboliques ou qui affrontaient le public pour expliquer les slogans de l’heure gagnaient en aplomb et en émotions. Quant à une véritable action sur le milieu, du semblable sur le semblable, il faudra attendre encore un peu.
Je me souviens aussi d’être allé à Mont-Laurier à une rencontre des représentants jécistes de chaque école. Une parade de bons sentiments et des rapports d’activités plus ou moins bidon. On s’applaudissait, les rapports étaient élogieux, on faisait bonne figure, tout-le-monde se donnait des tapes dans le dos, faisant semblant d’être content. C’était sûrement mieux que de vivre, à l’intérieur des murs de son école, de son esprit de clocher. Mais, que de porte-à-faux !
Témoignages d’appréciation
Je n’ai jamais été aussi adulé comme frère que durant mon séjour à St-Jovite. Entre Noël et le Jour de l’an, P.L. grand ami du frère Olivain, nous apportait fidèlement avec ses voeux, une caisse de bière qu'il transportait sur une traîne-sauvage. Y venaient aussi, chacun avec son boniment et ses marques d’attention, le Président de la commission scolaire accompagné de quelques commissaire; O. Boivin maire du village et E. Paquette, maire de la paroisse, le Grand Chevalier et le président de la Société St-Jean-Baptiste.
À l’automne, nous étions invités à joindre différents groupes de chasseurs très nombreux dans la région. Les pentes de ski du Mont Gray Rocks nous étaient ouvertes gratuitement, ainsi que les remonte-pentes qui les desservaient.
Les Chevaliers de Colomb mobilisaient notre école pour leur initiation annuelle. Ils nous payaient alors un voyage au Mont-Tremblant ou à Ste-Agathe.
Le Président de la société St-Jean-Baptiste comptait sur nous pour lui écrire son discours qu’il lisait péniblement lors du feu de la St-Jean.
Une année, je lui en avais préparé un qui faisait le rappel épique des grands moments de notre histoire. Pris d’une fièvre, je n’avais pu assister au feu de la St-Jean. Peut-être avais-je trouvé un truc pour cacher ma honte? Je m’explique. Quelques semaines avant la St-Jean, l’arrivée du printemps avait inspiré M. le Curé à nous faire du haut de la chaire une dénonciation à l’emporte-pièce des revues pornographiques qui corrompaient notre jeunesse. Jeune Savonarole, je nourris le projet d’organiser, à l’occasion du feu de la St-Jean, un autodafé qui aurait raison de ce mal. Le président était d’accord et, m’a-t-il semblé aussi, les confrères de la communauté. J’ai donc organisé à l’école un puissant système de cueillette des revues 'pornographiques' qui « empoisonnaient » les foyers de St-Jovite. Qu’avons-nous recueilli pensez-vous? Stimulés par un système d’émulation approprié, les enfants apportaient des piles de revues, toutes sur papier glacé, revues de chasse, de pêche, de National Geographic, de golf, des vieux catalogues de Dupuis Frères ou de Eaton, etc. mais je n’y ai rien vu de pornographique.
J’ai vite constaté mon erreur et fus honteux de mon innocence. Mais il était trop tard pour reculer. La fièvre a tout arrangé. Sans insister, on a laissé les revues s'empiler. Elles ont servi à allumer le feu de la St-Jean, couvrant ma honte de leurs cendres.
1952 - Profession perpétuelle
En juillet 1952 après 21 jours de retraite au Collège Roussin, avec vingt-six de mes confrères je prononçais les voeux perpétuels qui m'engageaient à vie dans la communauté des Frères du Sacré-Coeur.
J'aime l'atmosphère en a-pesanteur de la retraite, un temps un peu au ralenti où l'on est comme devant un miroir en présence de soi, enveloppé d'un cocon porteur qui peut s'appeler à la fois le silence, le divin, la paix. Les prières, les quatre conférences par jour, les longs moments de lecture, les cent pas dans la nature à prendre le temps de humer les vents, d'entendre les voix du normal, de peser les couleurs variables des atmosphères au gré de ses propres sentiments, de jouer à la méduse devant les ondes rougeâtres d'un soleil qui se couche, font de la retraite un temps de ressourcement par intraveineuse qui recharge nos piles d'une incommensurable énergie spirituelle.
Au sommet d'un ressourcement aussi intense, tous les engagements et toutes les espérances vont de soi et nouent un don total, une immersion sans contrainte dans tous les mystères qui nous enveloppent. C'est avec un plein de confiance et de résolutions qu'on revient à la normale d'une vie où l'on sourit par convention, où l'on doit cheminer dans un réseau d'interaction et espérer face à des doutes toujours de plus en plus persistants, des faiblesses toujours humiliantes.
Finalement ma vie d'union à Dieu se ramenait à des exercices d'autodiscipline dont la rigueur nourrissait certains sentiments de fierté personnelle probablement fort loin de la véritable attitude chrétienne. Mon directeur spirituel, tout en insistant sur la vertu d'humilité qui nourrit plutôt une attitude de simple abandon à l'amour divin, reconnaissait qu'une certaine ascèse aidait à mâter la libido et ouvrait la voie vers une authentique relation à Dieu. Ce qui arrivait très rarement.
Deux années suivirent ce temps de grâces répétant leurs périodiques tours de carroussel me ramenant au feu de la St-Jean qui posait un point final à l'année scolaire.
Sans que je le sache ou que je m’en doute même, le feu de la St-Jean 1954 mettait un terme à ma présence au sein de cette population si chaleureuse, laissant aux murs de l’école, à l’herbe de sa cour de récréation, aux congères de ses hivers et aux odeurs d’épinette de ses printemps le soin de garder la mémoire de ces temps de vie et de la raconter aux touristes venus d'ailleurs et aux descendants des temps nouveaux.
[2] Flying robes : titre qu’avait donné un journaliste américain à un article qu'il avait écrit sur les frères qui faisaient du ski en soutane à Ste-Agathe.
Prochaine publication: 20- Juvénat de Saint-Théodore-de-Chertsey