La chasteté eut ses martyrs aussi bien que la foi
BOSSUET
J’avais honte d’avouer ou de laisser soupçonner que je pouvais naviguer en eau aussi trouble, mais aussi, le gros bon sens m’incitait à considérer cet événement comme marginal et secondaire. Surtout, qu’une simple pensée si volatile, à peine une image évanescente, puisse mériter les flammes de l’enfer! C’était trop gros.
Le non l’emporta. Ma conscience ne s’en porta que mieux. Un peu de plomb dans les pattes ne permet peut-être pas de prodigieuses envolées, mais assure un bon équilibre.
Cet événement ouvrit cependant sur mon chemin vers la sainteté un autre champ de bataille hérissé de nombreuses embûches et dans lequel mon ennemi Satan avait posté ses propres espions jusque dans mes retranchements les plus intimes, dans mon propre corps… et dans mes pensées. Pourquoi serait-il mal de regarder une fille? Comment contrôler ses pensées? Des peines éternelles pour contrevenir à une loi de la nature…?
Jusque-là, pour moi, les péchés sexuels se limitaient à des touchers interdits. Quand tu vis en public, au vu et au su de tout le monde, c’est relativement facile à contrôler. C’était tellement gros le péché d’impureté, tellement honteux et tellement réprouvé par la société ambiante que la libido en était inhibée à sa source et semblait-il, à tout jamais. Mais, Satan veillait.
La littérature religieuse en matière de sexualité venait renforcer ces barrières. Le volume de Mgr Tihamer Toth « La chaste adolescence » circulait au Noviciat. Selon mes souvenirs, en plus d’élever la chasteté au-dessus des eaux troubles de la sexualité, en terrain sécuritaire et fade, il illustrait par des exemples frappants les nombreux torts que la pratique précoce de la masturbation par exemple (sans la nommer expressément), pouvait causer à la santé physique et mentale.
Touché par ces dictats qui faisaient autorité et désirant toujours devenir un saint, je braquai les phares de mes énergies sur un autre focus, celui de la pureté.
Je voguais de Charybde en Scylla. La recherche de la perfection en tout risquait de faire de moi un robot dont les automatismes sont peu efficaces dans le domaine de la vraie vie. La recherche de la pureté risquait de ramener sous la barre du zéro Celsius les énergies propres à la vertu de chasteté. Observer son vœu de chasteté se limitait alors à ne pas commettre de faute d’impureté. Saint Robot ou saint Zéro. Un saint mécanisé ou un saint congelé.
Heureusement que saint Bon Sens veillait. Épaulé par mon indolence naturelle et par mon sens critique de plus en plus aiguisé, je réussis à éviter de me fracasser la destinée sur le rocher robotisé ou sur l’iceberg aseptisé.
Le contact du frère Cyprien que j’admirais de plus en plus et la renommée du saint frère Auguste qui venait de mourir m’aidèrent à ramener ma quête de sainteté dans les normes du bon sens et entre les murs bien concrets qui abritaient ma famille religieuse.
BOSSUET
Un matin ordinaire, après les emplois et avant ma pratique de sainteté à la chapelle.
Je revenais justement du sous-sol. Mon emploi consistait à tresser avec un autre novice environ dix pieds du cordon de laine noire qui fait partie de l’habit des Frères du Sacré-Cœur. Faites le compte. Environ douze pieds de cordon pour chacun des 600 frères que compte la Province de St-Hyacinthe. Ce sont les novices qui ont la charge de fabriquer tous ces cordons.
La machine à cordon, une patente toute simple qu’aurait pu monter Lucien. Imaginez un poteau fixé sur une base d’environ trois pieds de diamètre chargée de briques, pour lui donner de l’aplomb, aurait dit Hormidas. Le poteau d’environ cinq pieds de hauteur est évidé afin de laisser passer le cordon qui sera enroulé à la base au fur et à mesure qu’on le fabrique.
Les deux « homo faber » de cette fabrique, placés face à face, tiennent dans chaque main une grosse bobine de laine noire dont les quatre brins sont rattachés à l’intérieur du poteau évidé. Ils n’ont qu’à se lancer les bobines tour à tour, l’une à gauche et l’autre à droite, à environ quarante-cinq degrés avec le sol, pour que ces brins se croisent et forment un cordon bien tressé. Un jeu de lance-attrape, un vrai sport. Lorsque les bobines parviennent ainsi au haut du poteau, on arrête, on déroule un bout de fil de même longueur sur chaque bobine et on recommence. À ce rythme, il faut environ quinze minutes pour faire dix pieds de cordon.
Je monte à l’étage, dans la salle de récréation. Fait inhabituel, il y a un catalogue de Dupuis Frères qui traîne sur l’un des comptoirs de la salle. Je m’approche pour le feuilleter. Comme par hasard, je tombe sur la page 122. On y annonce des tricots de laine de différentes tailles pour jeunes filles. L’un des tricots annoncés est porté par une vraie jeune fille qui joue le rôle de mannequin. Elle jouit d’une poitrine bien développée. Je suis surpris de ma réaction. Une espèce de bien-être et de douce chaleur qui se répand dans tout le corps. C’est la première fois, à ma connaissance, que la vue d’un personnage féminin provoque en moi une telle réaction.
La censure commande tous les interdits à cette sorcière sûrement mandatée par Satan pour me corrompre. Mes doigts et mon esprit ne coopèrent plus. Mes doigts développent une stratégie de diversion en feuilletant d’autres sections inoffensives du catalogue, par exemple les outils d’atelier ou de jardin. Mon esprit est pris de panique. Il s’emploie à chasser l’intruse, tout en la reluquant en même temps du coin de l’œil, et à soupeser les critères de consentement, de même que les verdicts de culpabilité, de honte et de sentence à appliquer « au cas présent ».
Comme par hasard encore, les doigts qui feuillettent fébrilement la section des outils se retrouvent à la page fatidique. Oui, je la revois, elle était belle, les yeux pétillants, la chevelure légèrement ondulée, toute pure comme la Vierge Marie, très différente de la chaste Suzanne de nos fantasmes de carême.[1]
On peut bien risquer un œil et regarder sans consentir quand même! La même montée de chaleur et de bien-être se reproduit. Les doigts reprennent les trajets de fuite et reviennent aux mêmes outils qui n’ont plus aucun intérêt. L’esprit qui parraine les intentions est pris en otage comme un accusé, à la fois par la couronne et la défense. Cette fois, tu ne peux y échapper, tu es pris en flagrant délit de mauvaise pensée non repoussée.
- « As-tu vraiment cherché à voir et à revoir cette image? »
- « Non. »
- « À qui feras-tu croire que c’est par hasard que tu es revenu à cette page maudite? » « Qu’as-tu fait pour chasser la tentation?»
- « J’ai tourné les pages. »
- « Et la deuxième fois, as-tu consenti aussi longtemps qu’à la première?»
- « Mais je n’ai consenti à rien du tout, j’ai constaté, un point, c’est tout.»
C’est l’enfer! Le ciel et l’enfer en même temps. Il faut que j’en sorte. Je me décide enfin. Je fais demi-tour en ligne vers la sortie… je m’arrête brusquement. Il faut bien ranger ce catalogue! Je le prends, les doigts me brûlent, la fébrilité les active jusqu’à la page 122…
Et pendant que ma conscience délibère de nouveau ses arguties avec ma raison ratiocinante, mes doigts, enfermés dans la stratégie de la diversion, reprennent les mêmes chemins comme sous la commande du clic sur une touche à répétition. Page 122, le chandail bleu-gris, son mannequin, une montée de chaleur, les outils, la délibération, les sentences en sursis, un autre essai de diversion comme au football … Je suis pris, ensorcelé, comme Ulysse par les sirènes de la mer.[2] Comment m’en sortir?
Par un coup du hasard ou suite à un jeu de ficelles de mon ange gardien, un novice qui a terminé son emploi à la souillarde entre dans la salle. Il ne m’a pas vu, je l’espère, le catalogue Dupuis Frères entre les mains. Heureusement aussi que ma soutane peut voiler les indices de ma culpabilité et de ma virilité. Je suis comme un fuyard en marche rapide vers la chapelle. J’y eus ce matin-là beaucoup de distractions…
Le vœu de chasteté
Pendant deux ou trois jours, je fus tiraillé par ma conscience. Devais-je ou non avouer cette «faute» en confession ou consulter le frère Maître à ce sujet? C’est surtout la honte et le bon sens qui militaient dans le clan du non.
La honte. Toute question concernant la sexualité était considérée comme taboue. On n’en parlait jamais directement, ni en conférence, ni dans les conversations à peine dans les entrevues avec son directeur spirituel. Au Juvénat, il y eut bien une entrevue que l’on pouvait qualifier d’initiation à la sexualité. Un très bref résumé d’un cours de biologie sur la génitalité qui m’a semblé générer, autant chez le frère Maître que chez moi, un malaise à trancher au couteau. Ayant vécu toute mon enfance sur la ferme, il n’y avait pas beaucoup de secrets à pouvoir m’être révélés sur les « mystères de la vie ». En parler avec des exemples empruntés aux choux ou aux lapins était enfantin et frisait le ridicule.
Le gros bon sens
Je revenais justement du sous-sol. Mon emploi consistait à tresser avec un autre novice environ dix pieds du cordon de laine noire qui fait partie de l’habit des Frères du Sacré-Cœur. Faites le compte. Environ douze pieds de cordon pour chacun des 600 frères que compte la Province de St-Hyacinthe. Ce sont les novices qui ont la charge de fabriquer tous ces cordons.
La machine à cordon, une patente toute simple qu’aurait pu monter Lucien. Imaginez un poteau fixé sur une base d’environ trois pieds de diamètre chargée de briques, pour lui donner de l’aplomb, aurait dit Hormidas. Le poteau d’environ cinq pieds de hauteur est évidé afin de laisser passer le cordon qui sera enroulé à la base au fur et à mesure qu’on le fabrique.
Les deux « homo faber » de cette fabrique, placés face à face, tiennent dans chaque main une grosse bobine de laine noire dont les quatre brins sont rattachés à l’intérieur du poteau évidé. Ils n’ont qu’à se lancer les bobines tour à tour, l’une à gauche et l’autre à droite, à environ quarante-cinq degrés avec le sol, pour que ces brins se croisent et forment un cordon bien tressé. Un jeu de lance-attrape, un vrai sport. Lorsque les bobines parviennent ainsi au haut du poteau, on arrête, on déroule un bout de fil de même longueur sur chaque bobine et on recommence. À ce rythme, il faut environ quinze minutes pour faire dix pieds de cordon.
Je monte à l’étage, dans la salle de récréation. Fait inhabituel, il y a un catalogue de Dupuis Frères qui traîne sur l’un des comptoirs de la salle. Je m’approche pour le feuilleter. Comme par hasard, je tombe sur la page 122. On y annonce des tricots de laine de différentes tailles pour jeunes filles. L’un des tricots annoncés est porté par une vraie jeune fille qui joue le rôle de mannequin. Elle jouit d’une poitrine bien développée. Je suis surpris de ma réaction. Une espèce de bien-être et de douce chaleur qui se répand dans tout le corps. C’est la première fois, à ma connaissance, que la vue d’un personnage féminin provoque en moi une telle réaction.
La censure commande tous les interdits à cette sorcière sûrement mandatée par Satan pour me corrompre. Mes doigts et mon esprit ne coopèrent plus. Mes doigts développent une stratégie de diversion en feuilletant d’autres sections inoffensives du catalogue, par exemple les outils d’atelier ou de jardin. Mon esprit est pris de panique. Il s’emploie à chasser l’intruse, tout en la reluquant en même temps du coin de l’œil, et à soupeser les critères de consentement, de même que les verdicts de culpabilité, de honte et de sentence à appliquer « au cas présent ».
Comme par hasard encore, les doigts qui feuillettent fébrilement la section des outils se retrouvent à la page fatidique. Oui, je la revois, elle était belle, les yeux pétillants, la chevelure légèrement ondulée, toute pure comme la Vierge Marie, très différente de la chaste Suzanne de nos fantasmes de carême.[1]
On peut bien risquer un œil et regarder sans consentir quand même! La même montée de chaleur et de bien-être se reproduit. Les doigts reprennent les trajets de fuite et reviennent aux mêmes outils qui n’ont plus aucun intérêt. L’esprit qui parraine les intentions est pris en otage comme un accusé, à la fois par la couronne et la défense. Cette fois, tu ne peux y échapper, tu es pris en flagrant délit de mauvaise pensée non repoussée.
- « As-tu vraiment cherché à voir et à revoir cette image? »
- « Non. »
- « À qui feras-tu croire que c’est par hasard que tu es revenu à cette page maudite? » « Qu’as-tu fait pour chasser la tentation?»
- « J’ai tourné les pages. »
- « Et la deuxième fois, as-tu consenti aussi longtemps qu’à la première?»
- « Mais je n’ai consenti à rien du tout, j’ai constaté, un point, c’est tout.»
C’est l’enfer! Le ciel et l’enfer en même temps. Il faut que j’en sorte. Je me décide enfin. Je fais demi-tour en ligne vers la sortie… je m’arrête brusquement. Il faut bien ranger ce catalogue! Je le prends, les doigts me brûlent, la fébrilité les active jusqu’à la page 122…
Et pendant que ma conscience délibère de nouveau ses arguties avec ma raison ratiocinante, mes doigts, enfermés dans la stratégie de la diversion, reprennent les mêmes chemins comme sous la commande du clic sur une touche à répétition. Page 122, le chandail bleu-gris, son mannequin, une montée de chaleur, les outils, la délibération, les sentences en sursis, un autre essai de diversion comme au football … Je suis pris, ensorcelé, comme Ulysse par les sirènes de la mer.[2] Comment m’en sortir?
Par un coup du hasard ou suite à un jeu de ficelles de mon ange gardien, un novice qui a terminé son emploi à la souillarde entre dans la salle. Il ne m’a pas vu, je l’espère, le catalogue Dupuis Frères entre les mains. Heureusement aussi que ma soutane peut voiler les indices de ma culpabilité et de ma virilité. Je suis comme un fuyard en marche rapide vers la chapelle. J’y eus ce matin-là beaucoup de distractions…
Le vœu de chasteté
Pendant deux ou trois jours, je fus tiraillé par ma conscience. Devais-je ou non avouer cette «faute» en confession ou consulter le frère Maître à ce sujet? C’est surtout la honte et le bon sens qui militaient dans le clan du non.
La honte. Toute question concernant la sexualité était considérée comme taboue. On n’en parlait jamais directement, ni en conférence, ni dans les conversations à peine dans les entrevues avec son directeur spirituel. Au Juvénat, il y eut bien une entrevue que l’on pouvait qualifier d’initiation à la sexualité. Un très bref résumé d’un cours de biologie sur la génitalité qui m’a semblé générer, autant chez le frère Maître que chez moi, un malaise à trancher au couteau. Ayant vécu toute mon enfance sur la ferme, il n’y avait pas beaucoup de secrets à pouvoir m’être révélés sur les « mystères de la vie ». En parler avec des exemples empruntés aux choux ou aux lapins était enfantin et frisait le ridicule.
Le gros bon sens
J’avais honte d’avouer ou de laisser soupçonner que je pouvais naviguer en eau aussi trouble, mais aussi, le gros bon sens m’incitait à considérer cet événement comme marginal et secondaire. Surtout, qu’une simple pensée si volatile, à peine une image évanescente, puisse mériter les flammes de l’enfer! C’était trop gros.
Le non l’emporta. Ma conscience ne s’en porta que mieux. Un peu de plomb dans les pattes ne permet peut-être pas de prodigieuses envolées, mais assure un bon équilibre.
Cet événement ouvrit cependant sur mon chemin vers la sainteté un autre champ de bataille hérissé de nombreuses embûches et dans lequel mon ennemi Satan avait posté ses propres espions jusque dans mes retranchements les plus intimes, dans mon propre corps… et dans mes pensées. Pourquoi serait-il mal de regarder une fille? Comment contrôler ses pensées? Des peines éternelles pour contrevenir à une loi de la nature…?
Jusque-là, pour moi, les péchés sexuels se limitaient à des touchers interdits. Quand tu vis en public, au vu et au su de tout le monde, c’est relativement facile à contrôler. C’était tellement gros le péché d’impureté, tellement honteux et tellement réprouvé par la société ambiante que la libido en était inhibée à sa source et semblait-il, à tout jamais. Mais, Satan veillait.
La littérature religieuse en matière de sexualité venait renforcer ces barrières. Le volume de Mgr Tihamer Toth « La chaste adolescence » circulait au Noviciat. Selon mes souvenirs, en plus d’élever la chasteté au-dessus des eaux troubles de la sexualité, en terrain sécuritaire et fade, il illustrait par des exemples frappants les nombreux torts que la pratique précoce de la masturbation par exemple (sans la nommer expressément), pouvait causer à la santé physique et mentale.
Touché par ces dictats qui faisaient autorité et désirant toujours devenir un saint, je braquai les phares de mes énergies sur un autre focus, celui de la pureté.
Je voguais de Charybde en Scylla. La recherche de la perfection en tout risquait de faire de moi un robot dont les automatismes sont peu efficaces dans le domaine de la vraie vie. La recherche de la pureté risquait de ramener sous la barre du zéro Celsius les énergies propres à la vertu de chasteté. Observer son vœu de chasteté se limitait alors à ne pas commettre de faute d’impureté. Saint Robot ou saint Zéro. Un saint mécanisé ou un saint congelé.
Heureusement que saint Bon Sens veillait. Épaulé par mon indolence naturelle et par mon sens critique de plus en plus aiguisé, je réussis à éviter de me fracasser la destinée sur le rocher robotisé ou sur l’iceberg aseptisé.
Le contact du frère Cyprien que j’admirais de plus en plus et la renommée du saint frère Auguste qui venait de mourir m’aidèrent à ramener ma quête de sainteté dans les normes du bon sens et entre les murs bien concrets qui abritaient ma famille religieuse.
La prière était toujours dans le décor. Mais, au lieu d’être la mystérieuse union mystique avec Dieu, elle se ramenait le plus souvent à l’humble demande de soutien et de force pour la traversée de la vie comme celle des milliers d’habitants qui, avant moi, avaient prié pour que la grêle ne détruise pas leur récolte.
La mortification, dégoûtée de sa passe maso, paissait dorénavant dans les prés de la simplicité volontaire. J’étais gagné à l’avance par le compromis d’une respectueuse distance de la richesse et de son confort. Cela ne me faisait pas trop mal, était bien vu et me rendait libre. Des privations qui ne paraissaient pas mais qui renforçaient les muscles de mon contrôle sur mes sens.
Quant à la chasteté, avant de prétendre à l’union mystique, j’avais plein à faire à chausser les bottes de pompiers employés à temps plein à éteindre les feux que ma libido d’adolescent allumaient dans mon corps, dans mes désirs et dans mes pensées.
Je réussis, je crois, par ces luttes corps à corps avec le réel, à devenir un novice ordinaire qui avait tout simplement du plaisir à vivre au jour le jour dans la famille des Frères et qui, sans trop de hasardeuses envolées, parvenait à garder en marche dans la routine du quotidien le moteur d’un merveilleux projet de vie.
La mortification, dégoûtée de sa passe maso, paissait dorénavant dans les prés de la simplicité volontaire. J’étais gagné à l’avance par le compromis d’une respectueuse distance de la richesse et de son confort. Cela ne me faisait pas trop mal, était bien vu et me rendait libre. Des privations qui ne paraissaient pas mais qui renforçaient les muscles de mon contrôle sur mes sens.
Quant à la chasteté, avant de prétendre à l’union mystique, j’avais plein à faire à chausser les bottes de pompiers employés à temps plein à éteindre les feux que ma libido d’adolescent allumaient dans mon corps, dans mes désirs et dans mes pensées.
Je réussis, je crois, par ces luttes corps à corps avec le réel, à devenir un novice ordinaire qui avait tout simplement du plaisir à vivre au jour le jour dans la famille des Frères et qui, sans trop de hasardeuses envolées, parvenait à garder en marche dans la routine du quotidien le moteur d’un merveilleux projet de vie.
Ma course à la sainteté, pour copier saint Jean Berchmans, c’était devenu la simple addition de petites choses ordinaires accomplies de façon extraordinaire. « Communia non communiter ».
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[1] La chaste Suzanne et les vieillards est un récit du prophète Daniel (Dn 13,1….) qui était lu un certain jour du carême. Il comportait des descriptions érotiques « savoureuses » qui pouvaient bien être la source de « mauvaises pensées». Étant un texte sacré lu dans le cadre d’un office religieux, il incluait ses propres absolutions et fait notoire, il avait la vertu de maintenir dans la chapelle pendant toute sa lecture un silence tout à fait inhabituel.
[2] Cf. http://www.mediterranees.net/mythes/ulysse/epreuves/sirenes/leconte.html
Prochaine publication : 12 - Conversion aux participes passés
[2] Cf. http://www.mediterranees.net/mythes/ulysse/epreuves/sirenes/leconte.html
Prochaine publication : 12 - Conversion aux participes passés